5 juin 2013 - par M. Lavictoire ( membre du CADE)
NdlR TGV-Albret : Si vrai !
Il est extraordinaire de constater comment l'imagination humaine subit une perte d'ampleur ces dernières années et il serait, à mon humble avis, certainement important de consacrer des efforts d'envergure à étudier ce phénomène sinon l'histoire humaine sera obligée de constater que nous nous sommes trompés en pensant que les générations futures de l'homo erectus posséderaient des cerveaux hypertrophiés par rapport aux autres parties de son anatomie.
Ce que je veux dire c'est que lorsque l'on essaye d'analyser les raisonnements promulgués par notre intelligentsia politique pour promouvoir de nouveaux grands projets capables de renverser cette courbe inexorable de l'appauvrissement de notre pays, force est de constater que le raisonnement est unique et que ses failles sont répétées d'une manière constante tout au long de son discours. C'en est à ce point désolant que je me demande si, cette intelligentsia, fatiguée de sauter telle une puce d'une émission télévisuelle à une autre radiophonique, ne s'en remet pas à une machine à produire automatiquement ce raisonnement, machine qui doit être, au mieux, une pale copie de celle de Pascal.
Tout ce préalable pour exprimer ma fatigue de voir les mêmes âneries débitées et servir de références à tous ces fantastiques projets qui sont censés diviser par une puissance de dix le taux de chômage national voire européen, projets dont les caractéristiques promues à foison sur tous les comptoirs médiatiques des cafés du commerce instillent des contre vérités dans les neurones populaires
Voyons quelques uns de ces fantastiques projets.
Tout d'abord la LGV Bordeaux Espagne.
Nous avons démontré dans le cas très concret de la construction d'une ligne ferroviaire à grande vitesse entre Bordeaux et Hendaye, que les raisonnements officiels qui essayaient de démontrer lors des premières enquêtes publiques que la ligne actuelle allait être saturée avant 2025, puis saturation décalée à 2035 après les séismes économiques de 2008 et dernièrement encore décalée du fait des prévisions de PIB respectifs de la Péninsule Ibérique et de la France, que ces raisonnements officiels donc, étaient entachés d'erreurs volontaires. Cette démonstration avait été précédée , dans les années 2004, par des travaux d'analyse extrêmement détaillés par plusieurs cabinets d'expertise ferroviaire qui démontraient que les capacités de trafic de la voie existante, avec des améliorations mineures mais nécessaires pour se conformer à la réglementation européenne, permettaient de prévenir une saturation qui ne pouvait pas intervenir avant 2050, date hors des prévisions raisonnables.
N'a-ton pas entendu le responsable d'une des CCI locales clamait que le projet créerait le besoin et qu'une fois construite la LGV se remplirait d'elle-même ! La saturation est facile quand il s'agit de l'exécuter avec l'argent des contribuables.
Alors, objectivement déboutés sur les prévisions de trafic, les va-t-en guerre revenaient avec des arguments environnementaux : l'équilibre du bilan carbone de la nouvelle LGV Bordeaux Espagne serait atteint en 7 ans d'exploitation. Ayant demandé le détail du calcul de ce bilan carbone il y plus d'un an et demi nous attendons encore la réponse. Il ne s'agit pas de faire de l'obstruction systématique mais le premier Bilan Carbone® ferroviaire global de la LGV Rhin-Rhône, qui s'attachait à démontrer que ce bilan serait équilibré en douze ans en tenant compte des amortissements des infrastructures variant entre 30 et 50 ans, a été contredit par les premières années d'exploitation qui mettaient en évidence des périodes de renouvellement de parties de ballast de l'ordre de 13 ans et non de 50 ans, tout comme le renouvellement des ensembles caténaires beaucoup plus rapidement qu'escompté.
La liaison Lyon Turin
Une fois décrit le protocole neuronal utilisé dans le cas de la LGV Bordeaux Espagne il serait inutile de le décrire à nouveau dans le cas de la liaison Lyon Turin. Ceci est tellement patent que le 1er Août 2012 le Président de la Cour des Comptes adressait un référé au Premier Ministre dans lequel il mentionnait que les prévisions de trafic établies dans les années 1990 envisageaient la poursuite d'une forte croissance alors que depuis 1999 les trafics de marchandises avaient diminué dans les Alpes françaises, que ceci était dû au report du trafic sur les itinéraires suisses à la suite de la levée des limitations de poids des véhicules lourds et à la suppression de l'interdiction du transit de nuit.
La réponse du Premier Ministre est à graver dans la table de la jurisprudence ministérielle. "Comme toute prospective les prévisions effectuées ont leurs limites mais elles ont toujours été effectuées dans les règles de l'art" répond le Premier Ministre au référé de la Cour des Comptes !
Quant aux coûts prévisionnels leur envolée mis en avant par la Cour des Comptes n'effraie même pas les conseillers du Premier Ministre et la réponse de ce dernier balaie la remarque et considère cette envolée comme normale.
Le projet d'aéroport de Notre Dame des Landes
Ce projet a défrayé les comptoirs médiatiques des cafés du commerce et tout le monde sait que sa justification par la saturation prévisionnelle de l'aéroport voisin de Nantes n'est pas défendable.
Deux points importants sont apparus sous la loupe. C'est tout d'abord celui du bétonnage inutile de surfaces agricoles exploitées. Puis, lors des manifestations, la prise de conscience des forces de l'ordre que les défenseurs de ce projet étaient malhonnêtes dans leur volonté de construire un nouvel aéroport justifié par une saturation hypothétique de l'autre aéroport, distant de quelques kilomètres.
Le projet continue.
La vérité de couloir de ces projets
Comment peut on insister sur la promotion de ces projets alors qu'ils sont inutiles voire désastreux pour l'environnement.
Bien évidemment dans les couloirs des Ministères et dans ceux des administrations territoriales les lobbys siègent et colportent le perfide message assurant que ces projets sont créateurs d'emplois. N'est ce pas d'ailleurs cet argument qui nous permet de constater que des ronds points inutiles jonchent les routes et les villes de France et que des gares désertes ont été construites.
Mais la réalité en ce qui concerne l'emploi nous est démontrée dans le cas de la LGV Tours-Bordeaux actuellement en construction. Les entreprises y travaillant sont certes majoritairement dirigées par des cadres français mais la grande partie de la main d'œuvre est étrangère : toutes les familles riveraines des chantiers le savent et seules les restaurants locaux y trouvent leur compte.
C'est ainsi que les basques découvrent que les travaux sur le pont ferré de l'Adour sont réalisés par des entreprises étrangères : il faut créer des emplois mais mondialisation oblige les emplois nationaux cumulent au Pole Emploi..
Les gaz de schistes : avenir radieux affirmé et réalité contrastée
Différemment que dans le cas des LGV et dans celui de l'aéroport de Notre Dame des Landes, dans le cas de l'exploitation des gaz de schistes les cafés du commerce médiatiques ont commencé par une homothétie de ce qui est fait dans ce domaine aux USA pour l'appliquer à la France.
Bien que, par la construction européenne nous soyons assujettis au modèle nord étatsunien et le traité TPN (Transatlantic Policy Network) affirmé en février 2013 nous y astreignant encore davantage, il ne faudrait pas systématiquement considérer que les mensonges qui sont développés outre Atlantique doivent être reproduits en France.
Les chiffres provenant de différentes sources indiquent que 600.000 emplois ont été créés aux USA pour l'exploitation des gaz et huiles de schiste. Donc les neurones asservis en concluent que 100.000 emplois pourraient voir le jour en France par de telles exploitations d'ici à 2020. Or ce qu'il est important de considérer c'est le chiffre net d'emplois et non pas le chiffre brut car dans le cas d'exploitation minière, une fois l'exploitation opérationnelle le nombre d'emplois pour le maintien en fonctionnement est tout à fait différent. C'est ainsi que les 600.000 emplois pris en considération aux USA correspondent à l'exploitation de 500.000 forages. Pour justifier donc le chiffre des 100.000 emplois envisagés en France pour 2020 c'est de 120.000 exploitations qu'il faudrait prendre en compte pendant cette période, chiffre qui suppose un déploiement extraordinaire.
Donc même pour ce grand projet inutile l'argument de fonds, à savoir la création d'emplois dans une période difficile en France, est basé sur des mensonges.
D'autres arguments plus précis ont été mentionnés par T. Porcher[1]
De même que dans certains projets de LGV dont les empreintes carbone devraient contribuer au report modal de la route vers le rail, Il serait intéressant d'estimer le bilan carbone de ces exploitations de gaz schisteux car consacrer, dans le cas des exploitations utilisant la fracture hydraulique, 12 à 30 millions de litres d'eau mélangée à des fluides chimiques, certains étant réputés dangereux pour la santé, nécessite une analyse exhaustive tenant compte des impacts environnementaux de ces exploitations.
Mais d'une manière similaire on traite ce projet avec les mêmes neurones mensongers puis on se rend compte que l'argumentation a été superficielle et on tente de contourner les erreurs commises en se retranchant derrière les permis d'explorer en attendant que le sens critique baisse la garde.
Encore et toujours les neurones robotisées sont en marche et prennent le pas sur celles de nos cerveaux.
M. Lavictoire
Membre du CADE