Pour la présidente du Lot-et-Garonne, participer au financement de la LGV fragiliserait la situation financière du département.
Plusieurs collectivités de Nouvelle-Aquitaine ne veulent pas mettre la main à la poche pour participer au financement de la ligne à grande vitesse (LGV) Toulouse-Bordeaux comme nous le relations dans notre édition d’hier. Parmi elles, Agglo Agen et le conseil départemental de Lot-et-Garonne.
Chacun a ses arguments. Sophie Borderie, la présidente du 47, a exposé les siens récemment devant l’assemblée départementale. «La participation demandée, 120 M€ à ce jour, paraît tout bonnement inconcevable, dit-elle. Ce montant représente l’équivalent de la construction de 8 nouveaux collèges».
Et de rappeler que «même si des conditions d’emprunt sont mises en place, le Département est déjà engagé sur de nombreux projets structurants prévus à son Plan pluriannuel d’investissement (PPI): plan collège, center parcs, échangeur routier, rocade de Marmande, etc.»
Elle indique par ailleurs que la mise en place par l’Etat «d’une fiscalité additionnelle spécifique à ce projet qui frapperait les ménages et les entreprises à hauteur de 35 M€ semble inopportune en période de redressement. La levée d'un nouvel emprunt de 120 M€ fragiliserait la situation financière du Département et dégraderait de manière inquiétante ses rations de gestion, notamment d'endettement".
Enfin, elle met en exergue une participation de l’Etat et de l’Europe largement insuffisante» – 60% d’une dépense globale de 14,6 milliards d’euros – pour la réalisation d’une infrastructure nationale. Sophie Borderie échange régulièrement sur le sujet avec Alain Rousset, le président de la Nouvelle-Aquitaine. «Les échanges sont courtois et respectueux». Le conseil départemental délibérera sur la demande de participation au GPSO (Grand Projet du Sud-Ouest) le 22 octobre prochain en commission permanente. Les opposants à la LGV se mobilisent ce jeudi à 11 heures à la ferme Roque à Montesquieu.
Bertrand Chome
Les opposants à la Ligne à grande vitesse pensent à l’organisation d’une mobilisation régionale en Lot-et-Garonne.© Crédit photo : Loïc Déquier
L’histoire se répète pour Pascal Roques. « En 1975, c’est l’autoroute qui a exproprié mon père. Il a dû déplacer des bâtiments. » Ces édifices sont désormais placés sur le tracé de la future ligne à grande vitesse. Le sort de ces arboriculteurs, dont l’activité est à 80 % soutenue par la vente directe, est scellé : le train va les biffer de la carte.
Il n’en fallait pas plus aux opposants à la LGV et partisans de la modernisation de la ligne existante pour faire de l’entreprise agricole de Montesquieu un exemple de cette défiguration du paysage qu’ils dénoncent. Jeudi 14 octobre, tous se sont donc rassemblés à l’entrée de la ferme aux 30 hectares, sous le portique gonflable du collectif Très Grande Vigilance en Albret.
« Quel intérêt ai-je à poursuivre mon activité dans ces conditions ? Je voulais vendre mais qui viendrait investir ici ? », se désole l’agriculteur qui espère maintenant le soutien des élus. « La LGV ne passera pas sur tous les territoires, mais elle va passer dans tous les portefeuilles », prévient Jean-François Garrabos, maire de Feugarolles, où se tiendra une prochaine manifestation le 20 octobre, sur le site d’un potentiel viaduc.
Venons nombreux ce jeudi 14 octobre à 11 h à la Ferme Roques - Montesquieu (47) !
En 2019, 23 % du réseau dépasse alors sa durée de vie optimale.© Crédit photo : Thibault Toulemonde / «SUD OUEST»
Avec 49 500 kilomètres de voies, le réseau français est le deuxième réseau le plus étendu d’Europe derrière l’Allemagne. Un réseau certes étendu mais peu circulé. Sur les 49 500 kilomètres, seuls 28 100 sont des lignes exploitées par la SNCF. La politique d’investissement menée depuis le début des années 1980 privilégie l’extension du réseau, en particulier la construction de lignes à grande vitesse, au détriment de l’entretien. Mais le réseau devient de plus en plus vieillissant et fragile comme souligné dans le bilan d’UFC-Que choisir.
2 milliards de minutes perdues
Au début des années 1980, la SNCF n’investit presque plus dans la maintenance. De 1 000 kilomètres de voies renouvelés, 500 kilomètres seulement le sont en 2005. Pourtant, une prise de conscience a lieu, notamment avec la publication en 2005 du rapport Rivier. Celui-ci souligne l’insuffisance des ressources allouées au renouvellement, amenant au vieillissement et à la dégradation des infrastructures. Des investissements massifs sont donc préconisés pour compenser le retard accumulé. Mais la France dépense nettement moins que ses voisins européens. En 2019, 23 % du réseau dépasse alors sa durée de vie optimale. Des ralentissements et des arrêts pour travaux sont imposés et pèsent sur la compétitivité des trains par rapport aux autres transports. En 2017, l’Autorité de la qualité de service dans les transports estimait même que les voyageurs perdaient au total 2 milliards de minutes chaque année en raison des retards de trains.
Des gains de productivité attendus
Le sous-investissement chronique affecte la performance du gestionnaire d’infrastructures SNCF Réseau qui a besoin de 2,8 fois plus d’agents et de 1,7 fois plus de capitaux que les pays voisins européens. Mais ce n’est pas pour autant que l’offre est plus grande, au contraire, la France propose 37 % moins de trains que l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, la Suisse ou la Grande-Bretagne, d’après un rapport du Benchmark Prorail 2015-2018. Il n’est donc pas étonnant que les usagers attendent désespérément des gains de productivité et une offre satisfaisante sur le réseau ferré de France. Toutes les difficultés rencontrées se retrouvent notamment sur les petites lignes, souvent laissées pour compte.
Abandon des petites lignes
Lire la suite : Retards chroniques, lignes vétustes, … : UFC-Que choisir étrille SNCF Réseau
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