Sur son bureau au-dessus de la boutique de vente directe à Montesquieu, le dossier "gel" était en haut de la pile. À la tête de 30 hectares de vergers, le cœur de l’hiver n’est toujours pas un souvenir pour Pascal Roques. L’épisode de froid intense a ruiné sa production de prunes d’Ente et les promesses du ministère de l’Agriculture n’engagent même pas ceux qui y croyaient encore un peu.
Dans une chemise verte, un autre dossier est passé en haut de la même pile. Trois lettres comme pour "gel" mais ce sigle signifie selon ce chef d’entreprise "l’arrêt définitif" de ses activités professionnelles. Ligne à grande vitesse, LGV. Le projet de tronçon entre Toulouse et Bordeaux pour mettre la Ville rose à trois heures de Paris. Plus qu’un long discours, Pascal Roques ressort la vingtaine de pages écrites pour la commission d’enquête publique.
Père et fils
Tout y est. "C’était il y a cinq ans je crois. Aujourd’hui c’est encore plus clair : si cette ligne voit le jour, c’est la fin de l’entreprise. Deux générations s’y sont succédé, ma fille aurait pu reprendre mais c’est devenu impossible." 30 hectares de vergers, des salariés, des investissements pour favoriser l’accueil. Le père Guy Roques a connu le transfert d’une partie de son exploitation à la naissance de l’autoroute A 62.
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LGV: jusqu'où iront-ils…avec l'argent des contribuables ?
En ce début Mai, avec des trémolos dans la voix certains se sont réjouis, avec une synchronisation presque parfaite de la pluie de milliards soudain disponibles pour les LGV. Pour les opposants à ces lignes inutiles, destructrices et ruineuses, cela ne constitue pas vraiment une surprise. Nous avons toujours dit que bien que les déclarations et rapports officiels s'accumulaient en faveur de la fin de ces infrastructures, les tractations électorales et manœuvres diverses pouvaient ressurgir comme après le premier recul de 1992 est apparu le débat public de 2006.
Tractations: comme une légère odeur de fange:
1,38 milliards d'euros pour la LGV Marseille-Nice et hop, Muselier et Estrosi vont lécher la gamelle à la main du macronisme. Même que Moudenc maire de Toulouse se fend d'un communiqué de soutien à ces derniers qui se font tirer l'oreille à Paris. Et oui, lui aussi a eu sa gamelle: 4,1 milliards pour Toulouse-Bordeaux.
Localement, on assiste avec un suspens insoutenable au numéro d'équilibriste de Mathieu Bergé. Après avoir sauté en marche du train PS et s'être agrippé au train Génération.s, après avoir été "plutôt contre" la LGV aux municipales, le voilà qui saute à nouveau dans le train Rousset en abandonnant le train Génération.s. Et le patron local du Medef se fend lui aussi des vieilles rengaines sur le prétendu enclavement du Pays Basque. (enclavement qui a du échapper aux nombreux acheteurs qui font exploser la bulle immobilière locale au détriment du droit à se loger des jeunes, et aux journaux qui classent joliment Bayonne au palmarès des villes attractives)
Des petits rappels qui ne feront de mal à personne:
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Denise Cassou, présidente du Collectif vigilance LGV Gironde, et Dominique Orgeron, dont la maison à Landiras sera rasée si la LGV voit le jour.© Crédit photo : J. J.
« La LGV sera un des points majeurs de la campagne », a déclaré le 24 avril dernier dans « Sud Ouest » le président de la région Nouvelle Aquitaine Alain Rousset. Le candidat socialiste en course pour un cinquième mandat, défenseur du train à grande vitesse vers l’Espagne et vers Toulouse, ne croyait peut-être pas si bien dire. Quatre jours plus tard, le Premier ministre Jean Castex annonçait que l’État s’engage à hauteur de 4,1 milliards d’euros pour financer la ligne à grande vitesse (LGV) entre Bordeaux et Toulouse. De quoi rallumer le feu de la contestation contre cette ligne qui découpera en deux le territoire du Sud Gironde et au-delà.
« Cette annonce a fait réagir à nouveau la population locale. Les gens pensaient que c’était abandonné. Mais le Premier ministre a été efficace pour nous mobiliser à nouveau », commente le couple Dominique Orgeron et Dominique Bimboire. Leur maison dans les bois de Landiras se situe exactement sur le tracé de la LGV arrêté lors de la déclaration d’utilité publique en 2016. « On sera exproprié et la maison sera rasée », poursuivent les apiculteurs à la retraite qui viennent de raccrocher la grande banderole « LGV projet inutile et ruineux » au bord de la route départementale.
« À l’heure des alliances pour le second tour, les anti LGV regarderont de près l’attitude des écologistes »
« Ça peut se réaliser »
À leur côté, Denise Cassoux, présidente de l’association Landes attitude environnement (LEA) et présidente du Collectif vigilance LGV Gironde, a repris son bâton de pèlerin. « Le jour de la déclaration de Castex, on a été submergé d’appels et de messages. Il y a un effet d’annonce pour les élections, mais cela ne nous laisse pas indifférents. Ça peut être autre chose qu’une promesse, ça peut se réaliser. »
Tête de liste aux élections régionales, l’écologiste Nicolas Thierry a repris la balle au bond. Début mai, il s’est rendu à Landiras pour dire toute son opposition à ce projet jugé « ni sérieux, ni respectueux, qui va coûter 8 milliards d’euros et détruire des milliers de hectares de terres agricoles et d’espaces naturels. » À l’heure des alliances pour le second tour, les anti LGV regarderont de près l’attitude des écologistes, ex-membres de la majorité à la Région.
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Car de son côté, Alain Rousset a déjà affûté ses arguments : « Dans toutes les autres régions de France, il y a deux lignes ferroviaires. Ici, on n’en a qu’une pour les voyageurs et le fret. Quand on combat le réchauffement climatique, comment peut-on accepter que 10 000 camions traversent chaque jour la région ? »
« Vu la conjoncture actuelle, nous sommes très surpris de voir ces milliards qui sortent du chapeau »
Les candidats interpelés
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Dans le Cubzaguais, la LGV Bordeaux-Tours inaugurée en 2017 passe sous les fenêtres des maisons.© Crédit photo : Archives Jérôme Jamet
Les opposants à la ligne LGV vers Toulouse et l’Espagne n’ont de cesse de rappeler l’avis défavorable rendu par l’enquête publique en 2014. « Plus de 14 000 contributions avaient été apportées lors de cette enquête, seulement 7 % étaient favorables au projet », souligne Denise Cassou, présidente du Collectif vigilance LGV Gironde. Sur le terrain, il est vrai que les banderoles de bienvenue à la LGV, on n’en croise pas en Sud-Gironde.
Deux ans plus tard, le Conseil d’État ne tenait pas compte de l’avis négatif et déclarait le projet d’utilité public. « On sait que c’est un projet qu’ils ne veulent pas lâcher. » Plutôt qu’une nouvelle ligne, la militante préconise « la modernisation et une gestion optimisée de celle existante vers Toulouse ».
En Sud-Gironde, territoire concerné par environ 70 km de tracé, quatre ou cinq maisons seront rasées. Plus nombreuses seront celles qui devront vivre avec la LGV sous leurs fenêtres. « Les gens ne seront pas expropriés. Mais leur qualité de vie sera dégradée, leur propriété sera invendable. Ils seront condamnés », décrit Dominique Orgeron, membre du collectif et habitante de Landiras dont la maison est sur le tracé.
« Une fabrique à gilets jaunes »
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