La réponse du berger à la bergère ? Il y a un peu de ça. Opposés sur le dossier du barreau de Camélat avec le président de Région Alain Rousset, les élus de l’Agglo d’Agen ont balisé un autre terrain de mésentente avec le patron de la Nouvelle-Aquitaine : la ligne ferroviaire à grande vitesse.
Le premier vice-président de la collectivité et maire de Moirax, Henri Tandonnet se pose en porte-parole de quelques-uns de ces administrés dont les maisons se situent sur le tracé de la ligne, au pied du coteau sur lequel est déployé le bourg. Des propriétaires sous le coup d’une expropriation mais dans l’incapacité de se séparer de leurs biens.
« Dans ces circonstances, personne ne s’y intéresse et les propriétaires n’ont plus le droit de les faire évoluer, résume l’édile. Et pourtant, nous avons sur la commune deux dossiers urgents, avec dans un cas, un couple dont la situation professionnelle s’est dégradée, et une dame tombée veuve dans l’autre… »
Pour ce type d’acquisitions, il existe pourtant un fonds d’anticipation, abondé par l’Etat, SNCF Réseau et les collectivités territoriales. Mais la manne, à hauteur de 28 millions d’euros en 2019, est tarie, selon Henri Tandonnet. Et à cette heure de remettre au pot, il fustige la position de la région Nouvelle-Aquitaine.
« L’Occitanie verse. La métropole de Toulouse aussi. Mais la collectivité d’Alain Rousset et Bordeaux Métropole n’ont rien donné depuis 2013. Ces fonds sont fléchés par un comité de pilotage pour les cas prioritaires à caractère social. Forcément, les dossiers du côté toulousain sont traités les premiers. Mais maintenant que le fonds est consommé, on demande au président de Région de prendre ses responsabilités, quitte à déplaire à ses amis écologistes. Je rappelle que le Lot-et-Garonne a versé 40 millions d’euros pour le tronçon Bordeaux-Tours. »
« Plus d’argent »
"Des propriétaires près de chez moi ont vendu mais moi depuis deux ans, rien ne bouge"
Henri Tandonnet a été sollicité par les familles concernées pour débloquer leurs dossiers. Brigitte Vignoli, dont l’habitation est plantée au beau milieu du fuseau, est de celle-ci. « Cette maison est bien trop grande pou r moi. Rendez-vous compte, 235 m² de bâti sur 4000 m² de terrain. Des propriétaires près de chez moi ont vendu mais moi depuis deux ans, rien ne bouge. On me dit qu’il n’y a pas d’argent. Cette maison est une trop grosse charge pour moi seule », lance la sexagénaire depuis cette forme de confinement. « Je veux partir, et si besoin, je prendrai un avocat. D’autres l’ont fait avant moi et SNCF a racheté leurs maisons. »
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Selon le bilan social 2019 de la SNCF, 7 000 postes ont été supprimés au sein de la société ferroviaire entre 2017 et 2019. Le groupe justifie cette diminution par la nécessité de s’adapter pour être « plus attractif et engagé ». En réalité ces baisses d’emplois s’inscrivent dans la casse du système ferroviaire public, accélérée par la mise en place de la réforme de la SNCF en janvier 2019.
« La SNCF a réalisé le principal plan de suppression d’emplois en France », selon le syndicat SUD rail. Si le nombre de personnes partant à la retraite a diminué de 14,8 % par rapport à 2018, les démissions (+26%) et les ruptures conventionnelles (+66%) se sont accélérées. Cette augmentation des départs se double d’une diminution des embauches, avec une diminution de 6,5 % par rapport à 2018, qui touche particulièrement les jeunes de moins de 25 ans qui ont été 18 % moins nombreux à rejoindre le groupe en 2019. Contrairement à ce qu’annonce la communication du groupe ferroviaire se voulant « attractif et engagé », la SNCF ne séduit plus. Et cela peut se comprendre.
8 JANVIER 2021
Temps de lecture : 3 min
La ligne grande vitesse, que l’on réduit usuellement à l’acronyme LGV, n’en finit plus d’être associée à la performance et à l’attractivité économique. Les élections municipales de mars dernier en France ont encore permis de le constater : chaque métropole veut sa propre ligne LGV, gage prométhéen de prospérité et de croissance. Pourtant, une fois la fascination initiale passée pour une technologie hors-normes -on parle de trains circulant à plus de 250 km/h- les effets pervers de la LGV devraient retenir toute notre attention et nous inquiéter sur notre qualité de vie.
Un danger pour la qualité de vie ?
La LGV est un accélérateur du processus de gentrification des métropoles françaises. Elle tend à accroître l’occupation des centres urbains par les populations aisées, quand les plus faibles sont relégués à la périphérie des villes. Les lignes grandes vitesse créent un afflux supplémentaire de touristes dans les villes reliées par le réseau. Ce flot est une opportunité de croissance pour les secteurs touristiques, mais une catastrophe pour les urbains. Il crée directement un rationnement des offres de logement disponibles, lui-même amplifié et nourri par le phénomène Airbnb [1]. Il faut ajouter à cela les cadres supérieurs qui sont à présent en mesure d’exercer leur métier à Paris, où les emplois présentent l’avantage d’être mieux rémunérés avec davantage de perspectives d’évolutions, tout en continuant à habiter en province, où les loyers sont moins chers et la qualité de vie meilleure. A Laval par exemple, ville-étape de la LGV Rennes-Paris, ce sont une centaine de cadres qui travaillent dans la capitale tout en continuant à vivre en Mayenne. Ce chiffre est en augmentation depuis juillet 2017, date de mise ne service de la ligne [2].
Ces phénomènes conjugués créent un rationnement d’offres de logement, et nourrissent la spéculation immobilière. A Strasbourg, un premier tronçon de LGV desservant Paris a été inauguré en 2007. En 2012, le prix des appartements anciens avait augmenté de 80% dans la capitale du Grand Est. Même chose à Marseille, où 5 ans après la mise en service de la ligne à grande vitesse Paris-Marseille, en 2001, la ville connaissait une augmentation de 131% du prix de ses appartements anciens [3].
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Ndlr TGV en Albret : Cliquez la lettre pour agrandir:
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