Transdev : la Caisse des Dépôts en négociations exclusives avec Rethmann
La logique est respectée : c’est bien avec l’actuel actionnaire minoritaire de Transdev, le groupe allemand de services Rethmann, que la Caisse des Dépôts va mener des négociations exclusives afin de lui vendre une partie de ses parts (32%). Rethmann deviendra donc l’actionnaire majoritaire de Transdev (66%), la Caisse restant au capital avec 34%. Mais il faudra encore plusieurs étapes avant que l’opération soit finalisée : l’information et la consultation des IRP (instances représentatives du personnel), l’approbation des autorités administratives et réglementaires compétentes (notamment en matière de concurrence), avecin fineun avis décisif (celui de la Commission des Participations et Transferts) et la signature du ministre des Finances – puisqu’un tel processus ressort d’une privatisation. Tout cela devrait prendre un petit semestre.
Régulièrement, depuis quinze ans, des voix s’élèvent pour demander une mise en ordre des opérateurs publics français à l’étranger (Transdev, Keolis, RATP Dev). La voici en passe d’être trouvée, d’une manière inattendue. En cédant le contrôle de Transdev à un groupe privé, la Caisse des Dépôts et l’Etat font certainement une bonne affaire (on ne sait pas encore quel prix le groupe Rethmann a proposé), mais décident aussi de bousculer unstatu quofinalement peu profitable au futur ex-trio qui se faisait allègrement la guerre, notamment sur les marchés australien et nord-américain. Désormais Transdev, dont plus de deux tiers du chiffre d’affaires est à l’international, devrait disposer d’un Capex suffisant pour accompagner des collectivités dans leurs ambitions de développement.
Telle n’est pas la seule question : la soutenabilité de l’endettement et la pertinence socio-économique restent des critères essentiels pour les grands projets d’infrastructures.
Avec l’enjeu relatif à la fin des contrats avec les sociétés concessionnaires d’autoroutes, c’est le grand débat du moment : les sociétés de projet sont-elles l’avenir du financement des grands projets d’infrastructures de transport ? Le respecté Jean-Pierre Orfeuil vient de frapper deux fois : un article dans TI&M intitulé«Les sociétés de projet, source de dérives incontrôlées des dépenses publiques», et la participation à un ouvrage encore plus incisif«L’imposture du Grand Paris Express»(lire ci-dessous).
Apparemment le débat sonne un peu comme celui des Anciens contre les Modernes. Puisque le financement classique par le budget de l’Etat est à bout de souffle, eu égard l’endettement de la France et les priorités de court terme, mieux vaut faire un pas de côté et doter des sociétés de projet publiques, via des ressources affectées sur le long terme, d’une capacité d’endettement substantielle… et déconsolidée.
Oui mais… Les Anciens ont quelques arguments. Est-on bien certain que lesdites ressources sont pérennes ? Que les sociétés de projet ne profitent pas excessivement de leur «autonomie» ? Que les frais financiers ne deviennent pas déraisonnables ? Que la pertinence socio-écologico-économique reste garantie ?
On ne va pas régler ici le problème. TDIE publiera dans le courant du mois de janvier un rapport complet sur le financement de la mobilité, une sorte de préambule à la grande conférence gouvernementale du mois de mars – si François Durovray reste ministre et si le nouveau Premier ministre confirme l’intention de son prédécesseur Michel Barnier. Et le 28 janvier au matin, en point d’orgues, l’association organisera en partenariat avecMobilettreune grande conférence sur le sujet. Pour le coup, en voilà une vraie ingénierie de projet !G. D.
Et si l’Ancien faisait vraiment du moderne ? Les premiers renoncements du nouveau Premier ministre (pas de journal de 20 heures, pas de déplacement sitôt nommé dans un hôpital ou un établissement scolaire) seront-ils suivis de décisions salutaires en matière de redressement et de continuité de l’Etat ? Et si, pour poursuivre sur cette bonne voie, les ministres échappaient eux aussi aux routines éculées des communicants pour privilégier la gestion de leur ministère et de leur secteur d’activité, avec des équipes compétentes et expérimentées?
Le 1er février 2025 Eric Dupont-Moretti montera sur scène, au Théâtre Marigny, pour un spectacle intitulé«J’ai dit oui !»pendant lequel il racontera son expérience de ministre de la Justice et de Garde des Sceaux. Il y a des jours où l’on est fiévreusement nostalgique de la réserve et de l’honneur des Anciens, piliers de la République.G. D.
INFRASTRUCTURES ET FINANCEMENT
Les sociétés de projet en procès
Professeur émérite à l’Université Gustave-Eiffel, spécialiste des politique de mobilité, Jean-Pierre Orfeuil dénonce la dérive des dépenses publiques liée aux sociétés de projet en général et s’attaque au Grand Paris Express en particulier. Et ça décoiffe.
Allons tout de suite à la conclusion des huit pages écrites par Jean-Pierre Orfeuil et publiées dans la revue TI&M*, consacrées à la critique des sociétés de projet renommées EPL (établissement public local) dans le LOM de 2019.
«Le concept de « société de projet » est salué par les professionnels des transports comme un outil affranchissant la conduite de projet des aléas des discussions budgétaires annuelles, ce qu’il réussit effectivement à accomplir. Cependant, il est important de ne pas perdre de vue sa raison d’être : un outil conçu pour la réalisation de projets d’envergure aux coûts élevés (et de valorisation de leurs porteurs) quand les caisses sont vides ; un outil de répartition des coûts sur des périodes très longues (plus d’un demi-siècle pour le GPE) peu compatible avec le rythme normal du renouvellement des grandes options politiques (des mandats de cinq à six ans, éventuellement renouvelés).
Un effet de priorisation des dépenses liées aux projets d’infrastructures nouvelles sur d’autres dépenses, qu’elles relèvent des transports ou d’autres champs prioritaires
Cela ne doit pas faire oublier ses conséquences : un poids inédit des frais financiers dans le coût à terminaison des projets, lié à la durée inédite des amortissements de dette ; des hausses de fiscalité liées à la création de nouvelles taxes, qui pour être discrètes du fait de leur assiette et de leur dénomination inconnue du grand public n’en sont pas moins réelles ; un transfert de fait, très significatif et non discuté, du coût de la mobilité ferroviaire de l’usager vers le contribuable ; un effet de priorisation des dépenses liées aux projets d’infrastructures nouvelles sur d’autres dépenses, qu’elles relèvent du champ des transports (entretien modernisation des réseaux, mobilité du quotidien et services express métropolitains) ou d’autres champs souvent présentés comme prioritaires (sécurité ou enseignement par exemple); un effet de priorisation qui se transforme rapidement en effet d’éviction par les contraintes budgétaires.»
Cette conclusion «engagée» succède à un constat très critique sur les calculs de rentabilité économique («La SGP a fait de l’évaluation des bénéfices économiques élargis un concept à la pertinence très discutée parmi les économistes») et sur les assiettes de perception des taxes (légitimité et pérennité : et si le télétravail augmente, que deviendront les taxes de bureau qui font l’essentiel du modèle financier du GPE?). Surtout, il énumère la dérive des coûts du GPE et reprend l’estimation passée inaperçue de la Cour des Comptes au printemps dernier : les frais financiers atteignent d’ores et déjà 29,5 milliards d’euros (pour un coût de construction à 45 milliards – lire ci-dessous) ! Ils pourraient même devenir «majoritaires» dans le cas d’une baisse des recettes affectées. La soutenabilité de la dette ne serait donc pas un faux problème, au vu des dérives et des risques du projet.
L’alerte de Jean-Pierre Orfeuil est clairement à destination du projet GPSO, dont les missions seront éclatées entre la fonction bancaire (qui échoit à l’EPL SGPSO) et la conduite des travaux (SNCF Réseau). Bon courage aux collectivités locales qui supporteront les risques !
GPE, ou comment atteindre au plus vite le point de non retour
S’agissant du Grand Paris Express, Jean-Pierre Orfeuil retrace son itinéraire sur une quinzaine de pages parue au sein d’un ouvrage collectif,«L’imposture du Grand Paris Express»**, qui oscille entre la charge de la brigade légère et le pamphlet vibrionnant. Tout en restant dans un style incisif, il reste documenté et fait montre d’un recul mordant sur les différentes étapes de l’irréversible montée en puissance du GPE:«Comment atteindre au plus vite le point de non retour», «comment se positionner hors des clous, en situation d’exceptionnalité», «comment entretenir le buzz»… L’universitaire n’en est pas à sa première charge sur le sujet, mais celle-ci donne le vertige tant elle démonte les ressorts d’une fuite en avant qui emporte tout : la raison budgétaire comme les finalités économiques, écologiques et sociales.
On lui sait gré de citer quelques-uns des considérants de la délibération du Stif du 8 décembre 2010, il y a quinze ans ! Parmi lesquelles :«Le projet ne répond que très partiellement aux besoins de déplacements actuels et futurs.»Alors, à la fin, qui aura raison ? On pressent qu’à part la ligne 15, qui ressort d’une logique de rocade proche de Paris depuis longtemps justifiée par une analyse des flux et des déplacements, quelques autres mettront très longtemps à voir leurs rames bondées. Pouvait-on se payer une anticipation aussi massive quand certains transports du quotidien souffrent encore tellement et auraient mérité une modernisation d’ampleur?
Fort logiquement, Jean-Pierre Orfeuil étend sa critique de la SGP à l’ensemble des sociétés de projet en gestation.«En gageant des emprunts par des taxes additionnelles peu douloureuses au départ, sans limite de durée et modulables en tant que de besoin», écrit-il,«on affranchit les élus de la démonstration de la solidité socio-économique de leurs projets (ce qu’un régime de concession aux risques du concessionnaire ne permettrait pas), on évite les inévitables variations annuelles des budgets publics, et l’on fait supporter l’essentiel de l’effort à des générations qui sont pas celles des décideurs. Dit autrement, les élus ont enfin le moyen de se valoriser par de grands projets même lorsqu’ils n’ont pas un sou vaillant. Du grand art, jusqu’au jour où les citoyens découvrent que ce système a permis de financer des projets peu calés sur leurs besoins, ou que les marchés sonnent la fin de la partie…»
L’Etat aura-t-il la sagesse de ne pas faire des Serm partout à n’importe quel prix, et de privilégier les projets indispensables ? Sera-t-il rappelé à l’ordre par les trésoriers de la France ? C’est tout l’enjeu de l’année 2025 : stop ou encore à l’inflation des projets et des sociétés de projet ? Tout se passe comme si face aux 83,9 milliards du Grand Paris Express (1), on pouvait bien se permettre d’abonder un peu la province…
(1) Estimation à date des dépenses de la SGP (en milliards d’euros), publiée dans le rapport de la Cour des Comptes du printemps 2024.
*«Les Sociétés de projet, source de dérives incontrôlées des dépenses publiques», par Jean-Pierre Orfeuil, revue TI&M, numéro 547, septembre et octobre 2024.
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L’ordre du jour de cet ultime conseil municipal de l’année 2024 s’est ouvert sur un rappel de l’opposition ferme à la LGV.© Crédit photo : F. G.
...........Le maire de Lahonce, David Hugla, lui-même pleinement impliqué dans la rédaction de la motion contre le projet de Ligne grande vitesse (LGV) portée au vote le week-end passé auprès des élus de l’Agglomération et adoptée à 87 %, a recueilli l’unanimité de ses colistiers contre ce projet, « objet d’une grande mobilisation citoyenne, au coût pharaonique, pétri de contre-vérités comme la prétendue saturation des voies existantes et porteur d’une atteinte à l’environnement catastrophique »............
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