21 mai 2025 - Mediabask
TRIBUNE LIBRE -Vice-président du Collectif des associations de défense de l’environnement Pays Basque Landes, Pierre Recarte reproche à l’État français de pouvoir faire fi des avis sur l’impact environnemental d’un grand projet d’infrastructure.
Un train à grande vitesse de passage en gare de Bayonne. (Archive) (© Guillaume FAUVEAU)
L’autorisation donnée à certains projets donne une impression d’érosion de l’État de droit au détriment de la protection de l’environnement”, expliquait devant une commission d’enquête parlementaire, Philippe Ledenvic, ancien président de l’Autorité environnementale (AE), le 26 mars 2024. Effectivement, l’État et les maîtres d’ouvrage ont une propension à s’affranchir des avis autorisés sur l’impact environnemental pour mettre rapidement en chantier leurs projets. Ils tablent sur les lenteurs de la justice. “Passer en force” pour rendre un projet irréversible, tel est l’objectif poursuivi.
L’A69 : la parfaite illustration
Le projet d’autoroute entre Castres et Toulouse est associé à des impacts dévastateurs sur l’environnement et la biodiversité. Les experts de l’Autorité environnementale établissent ce sévère constat : “De façon générale, ce projet routier, initié il y a plusieurs décennies, apparaît anachronique au regard des enjeux et des ambitions actuels de sobriété, de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la pollution de l’air, d’arrêt de l’érosion de la biodiversité et de l’artificialisation du territoire, d’évolution des pratiques de mobilité et leurs liens avec l’aménagement du territoire. La justification de raisons impératives d’intérêt public majeur du projet au regard de ses incidences sur les milieux naturels apparaît limitée”.
Malgré les critiques, les avis négatifs d’organismes indépendants (Commissariat général à l’investissement, Conseil national de protection de la nature, Autorité environnementale…), l’autorisation environnementale est délivrée en mars 2023 par les préfets de la Haute-Garonne et du Tarn. La justice vient de l’annuler en 2025 !
Le Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest : un sort analogue ?
SNCF Réseau a réalisé une étude d’impact unique pour tout le Grand Projet ferroviaire Sud-Ouest GPSO en 2014. Elle est présentée identique neuf ans après, avec les Aménagements ferroviaires au nord de Toulouse (AFNT), composante essentielle du projet. L’AE le déplore et refuse de donner son avis car “quel que soit le périmètre retenu pour le projet (GPSO ou AFNT), les réponses pour de nombreux items du code de l’environnement sont obsolètes ou incomplètes”. “Le dossier, en se focalisant sur une approche réglementaire datée, est incomplet sur de multiples questions de fond (contenu du projet, artificialisation, gaz à effet de serre, milieux naturels).”
Suit un flot de critiques : “Les thématiques sont abordées rapidement et de façon superficielle, sans aucune quantification. Les mesures d’évitement, de réduction et de compensation ne sont définies que qualitativement, voire renvoyées à des études ultérieures”. L’AE rappelle que de nouvelles études acoustiques étaient annoncées. Dix ans après, le dossier ne définit aucune mesure supplémentaire ! Les incidences du bruit pendant les huit ans de chantier “sont très peu étudiées”. Les mesures pour réduire les risques vibratoires dus au passage des trains, ne sont toujours pas précisées. Concernant la qualité de l’air, l’AE signale que “le traitement de cet enjeu est anormalement faible pour une infrastructure de transport”.
Ses conclusions sont cinglantes : “L’AE ne pourra instruire ce dossier que s’il lui est de nouveau présenté avec une étude d’impact actualisée selon les dispositions des articles L. 122-1-1 III et R. 122-5 du code de l’environnement”.