2 décembre 2014 - Sud Ouest
L’enquête publique se termine le 8 décembre sur fond de vives oppositions locales et d’atermoiements de l’État.
Ouverte depuis le 14 octobre, l'enquête publique permet à tout un chacun de s'informer et de donner son avis. Soit directement sur les registres d'enquête mis à disposition dans les mairies des communes concernées, soit sur Internet avec un site dédié (1). Les commissaires-enquêteurs devront ensuite considérer les opinions émises pour rendre leurs conclusions.
On leur souhaite par avance beaucoup de plaisir. Non seulement le dossier d'enquête publique pèse 58 kilos, mais les contributions « citoyennes » promettent d'être profuses. Et à peu près toutes dirigées dans le même sens, celui d'un refus franc et massif. Dans les trois départements aquitains concernés - Gironde, Lot-et-Garonne et Landes -, les associations « anti » multiplient les réunions pour convaincre les foules de l'inanité du projet. Et les inciter à faire entendre leur voix. Ainsi à Pindères, une petite commune de Lot-et-Garonne, où l'on a enseigné à l'assistance comment remplir une lettre type opposée à la LGV lors de la réunion publique organisée le 17 novembre par l'Association de sauvegarde des Landes et Coteaux de Gascogne.
Ambiance ce soir à Langon
Trois grands rendez-vous devaient scander ces huit semaines d'enquête : l'un à Pont-du-Casse, en Lot-et-Garonne ; le deuxième à Saint-Pierre-du-Mont, dans les Landes ; et le troisième à Langon, dans le sud de la Gironde. Ils donnent la température de l'enquête dans les trois départements : très chaude au début de novembre en Lot-et-Garonne, et plus neutre dans les Landes. On attend une très grosse chambrée ce soir à Langon pour la dernière levée, avec une ambiance au diapason. Car, pour la première fois peut-être, les opposants ont le sentiment que le vent tourne en défaveur du projet de LGV.
Là-bas au nord, à Paris, il y a eu vendredi dernier les propos de Manuel Valls lors de la clôture de la conférence environnementale. Le Premier ministre a publiquement indiqué que lancer quatre lignes à grande vitesse en même temps avait été « une erreur ». Il parlait du paquet Tours-Bordeaux, Metz-Strasbourg, Le Mans-Rennes, et du contournement de Nîmes et Montpellier. Ces coups-là sont partis. Mais pour l'avenir, il a aussi prononcé une phrase lourde de sens : « L'enjeu majeur, pour le développement durable de nos réseaux ferrés, c'est avant tout de mieux les entretenir. » C'est la pièce maîtresse de l'argumentaire des opposants : en période de diète financière, il convient de rénover l'existant plutôt que d'investir dans des lignes nouvelles.
La Cour des comptes pèse
Ce credo a reçu un soutien de poids, celui de la Cour des comptes. Dans son rapport sur la grande vitesse ferroviaire, publié le 23 octobre, les magistrats brocardent le modèle du tout-TGV à la française, irrationnel et intenable financièrement. Et ils jugent sévèrement le projet Bordeaux-Toulouse, Bordeaux-Dax, un double prolongement dont le but inavoué était selon eux de pousser les collectivités locales situées au sud de Bordeaux à verser leur écot au projet Tours-Bordeaux.
Dans ce contexte assez défavorable à la grande vitesse, certains élus locaux font entendre leur voix. Gilles Savary, député (PS) du Sud-Gironde et spécialiste des transports ferroviaires, prend position par le biais d'une contribution qui voue le projet aux gémonies. Pendant ce temps, Pierre Camani, le président (PS) du Conseil général de Lot-et-Garonne, exprime sa perplexité.
Alain Rousset veut la LGV
Du côté des partisans du projet, on note l'enthousiasme persistant de Geneviève Darrieussecq, la maire (Modem) de Mont-de-Marsan, et de Jean Dionis du Séjour, son homologue (UDI) d'Agen. Son zélateur numéro un reste Alain Rousset, le président (PS) du Conseil régional d'Aquitaine, qui entrevoit déjà la grande région promise par la réforme territoriale. « La LGV serait son épine dorsale », dit-il.
« Les opposants avancent des arguments environnementaux. On le dit et on le répète : il y aura 1 milliard d'euros de compensations [NDLR : pour les milieux naturels détruits] », poursuit le président de Région, pour qui la relance de la croissance par le BTP, l'attractivité du territoire aquitain comme « la saturation de la ligne existante à l'horizon 2020 » militent pour ce projet à détente longue. « Sa réalisation est prévue pour la prochaine décennie. Si on le met en cause, il n'y a plus d'acquisition de foncier, et le projet est arrêté pour très longtemps », avertit-il.