19 août 2013- Sud Ouest
Il n'y aura pas pour le moment de nouvelle ligne entre Bordeaux et l'Espagne. La priorité est donnée aux rénovations.
La priorité est donnée aux rénovations de lignes (Le Deodic David)
Comment ne pas s’incliner devant le bon sens d’une telle décision ? Elle a néanmoins sonné le réveil brutal de tous ceux qui espéraient la construction prochaine d’une nouvelle ligne entre Bordeaux et l’Espagne. Il faut maintenant espérer que cette gigantesque désillusion collective aura au moins le mérite de créer un précédent en réconciliant l’intérêt général avec la responsabilité financière.
Jusqu’à présent, il suffisait qu’un projet soit décrété d’intérêt général par le pouvoir politique pour qu’il soit automatiquement financé, le plus souvent par la dette ou par nos impôts. Mais l’intérêt général, en admettant qu’il soit avéré, n’interdit pas l’analyse économico-financière en amont des arbitrages.
Aussi incroyable que cela puisse paraître pour un projet de 6,3 milliards d’euros, il n’y a jamais eu d’étude de rentabilité économique et sociale de la LGV Bordeaux-Espagne. Il n’y a jamais eu non plus de chiffrage des solutions alternatives, comme la modernisation de la ligne existante. Et il n’y a jamais eu d’actualisation des prévisions de fret réalisées par RFF en 2006, alors même qu’on constatait quelques années plus tard des écarts considérables - de 1 à 10 - avec le trafic réel !
C’est donc sans aucun fondement économique que s’est construite la mystification des Grands Projets du Sud-Ouest. Avec des invraisemblances érigées en principes incantatoires, comme le fameux caractère « insécable » des lignes Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Espagne.
Ce concept totalement artificiel a été repris en chœur par les supporteurs du projet. Mais la réalité est que, hormis Bordeaux, ces deux lignes n’ont rien à voir : elles sont de nature différente, l’une 100 % passagers et l’autre mixte. Le gouvernement l’a d’ailleurs bien compris, en programmant la première pour 2030 et en reportant la seconde sine die.
En mettant le holà aux illusions pharaoniques du Schéma national des infrastructures de transport (70 projets pour 245 milliards d’euros), le Premier ministre a fait preuve de plus de courage politique que ses prédécesseurs.
Mieux, en entérinant la logique de hiérarchisation et d’actualisation régulière des projets, Jean-Marc Ayrault a sonné le rappel des principes élémentaires de rationalité économique et de responsabilité financière.
On peut regretter que beaucoup de nos élus ne paraissent pas en phase avec le Premier ministre. Il faut pourtant qu’ils comprennent que l’époque où les finances publiques (c’est-à-dire l’argent de chacun de nous) étaient utilisées sans limite pour satisfaire les ambitions personnelles des uns ou les rêves de grandeur des autres, cette époque est révolue. Le reconnaître, n’est-ce pas cela, le vrai courage ?
Jean-Philippe Larramendy est chef d’entreprise, Jacques Saint-Martin, président d’honneur de la Chambre de commerce de Bayonne. Tous deux sont les porte-parole de l’association Cercle de Burrunz.