11 juillet 2025 - Gouvernement (Ecologie)
Ndlr TGV en Albret : Merci Gilles Savay et StopLgv47
Discours du ministre pour les conclusions de la conférence Ambition France Transports du 9 juillet 2025 à l'Hôtel de Roquelaure.
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Président d’Ambition France Transports, cher Dominique BUSSEREAU,
Mesdames messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les Vice-Présidents de Région,
Mesdames et messieurs les directeurs d’administration,
Mesdames et messieurs les représentants des organisations professionnelles, syndicales
Mesdames et Messieurs,
Chers amis, c’est avec une vraie fierté – et même une certaine émotion -- que je suis aujourd’hui parmi vous pour cette remise des conclusions d’Ambition France Transports.
Ambition France Transports a été une conférence exceptionnelle par son ampleur et par l’engagement l’ensemble des participants.
Je voudrais saluer les plus de 50 élus, experts, représentants d’organisation professionnelles, d’associations, des opérateurs de transports et des usagers qui ont travaillé sans relâche au sein des 4 ateliers de la conférence :
- L’atelier n°1 dédié au modèle économique des Autorités organisatrices de la mobilité (AOM) et des Services express régionaux métropolitains (SERM),
- L’atelier n°2 sur le financement des infrastructures routières,
- L’atelier n°3 sur les infrastructures et services ferroviaires de voyageurs,
- L’atelier n°4 sur le report modal et le transport de marchandises
Vous avez consacré beaucoup de temps à ces travaux depuis le 5 mai et je vous en remercie sincèrement.
10 semaines se sont écoulées depuis que j’ai lancé vos travaux, à Marseille, le 5 mai dernier aux côtés du Premier ministre.
10 semaines durant lesquelles vous avez conduit plus d’une centaine d’auditions.
10 semaines pendant lesquelles vous vous êtes réunis régulièrement pour travailler et débattre sans tabou, sur la base de données produites et rassemblées de façon inédite par les différentes administrations – à elles aussi, je souhaite adresser mes remerciements.
Je voudrais remercier particulièrement les copilotes qui ont animé ces ateliers avec méthode, dévouement et organisation.
Je salue également tous ceux qui ont apporté leur pierre à ces travaux :
- Je pense aux acteurs de la société civile que nous avons réunis au CESE le 20 mai, en présence de ma collègue Françoise GATEL, ministre déléguée chargée de la ruralité.
- Je pense aux acteurs économiques et financiers qui ont participé à la journée dédiée à la mobilisation des financements privés, organisée le 12 juin au Ministère de l’Economie et des Finances, avec les Ministres Eric LOMBARD et Amélie de MONTCHALIN
- Je pense aux créateurs d’entreprises et aux dirigeants de grands groupes industriels qui sont intervenus lors de la journée ciblée dédiée à l’innovation, le 23 juin. Une journée ou nous avons pu compter sur la présence de Clara CHAPPAZ, ministre déléguée chargée de l'Intelligence artificielle et du Numérique.
- Je pense aussi à tous les acteurs du secteur des transports qui ont contribué à vos débats sur la plateforme en ligne de la conférence. Car depuis le 16 avril, nous avons reçu plus de 230 cahiers d’acteurs, preuve de l’engouement qu’a suscité Ambition France Transports.
Je voudrais rendre hommage surtout à Dominique BUSSEREAU, formidable « chef d’orchestre » de toute cette conférence. Son expertise, tant en matière de mobilités qu’en matière de finances publiques, et son dévouement auront été pour beaucoup dans le succès d’Ambition France Transports.
Chers amis, rares sont les moments où nous pouvons redéfinir en profondeur les fondations d’un secteur aussi structurant que celui des transports. C’est ce qui a été réussi, collectivement, avec cette conférence. C’est une nouvelle page de l’histoire de nos infrastructures de transports qui s’ouvre aujourd’hui.
J’ai suivi avec attention vos travaux et pris connaissance des grandes orientations que vous donnez et sur lesquelles vous vous êtes accordés lors du séminaire de convergence.
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Je veux donc ici saluer les lignes directrice fortes que vous avez retenues :
- D’abord, la nécessité d’une plus grande lisibilité et d’une programmation claire des investissements dans les transports ;
- Ensuite, la priorité à la modernisation et à la régénération des réseaux existants que vous retenez pour améliorer la sécurité et la performance de nos transports ;
- Le refus de la gratuité généralisé dans les transports en commun, en période de contrainte budgétaire, nous ne pouvons pas nous priver de recettes pour développer l’offre ;
- Enfin, la remobilisation nécessaire des financements privés pour financer les infrastructures de transport de demain.
Ces principes sont forts, d’autant plus qu’ils émergent de tous les ateliers de la conférence.
De notre côté, le gouvernement doit se saisir de vos conclusions en composant avec un double impératif :
- L’impératif écologique, car les transports demeurent le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre de notre économie, pesant 34% du total de nos émissions en 2023 ;
et surtout le secteur le plus en retard sur ses objectifs de décarbonation, devant l’industrie et la construction. Nous devons donc accélérer la décarbonation des transports si nous souhaitons tenir nos objectifs de décarbonation de l’économie française ;
- L’impératif budgétaire, car nous ne pouvons pas nous dispenser de participer à l’impératif de redressement des comptes publics. Mes collègues de Bercy et moi, et avec nous le gouvernement tout entier, nous devons présenter une trajectoire cohérente avec nos engagements européens qui prévoient un retour sous la barre de 3% de déficit public en 2029.
Pour cela les transports doivent être plus efficients, et mobiliser de nouveaux financements sans se reposer exclusivement sur la puissance publique.
Devant tous ces défis, en tant que ministre, je considère donc qu’on ne peut se satisfaire du statut quo, il nous faut avancer en prenant en compte ces impératifs pour répondre aux nouveaux besoins de la société française.
Car les transports c’est une composante de notre vie de tous les jours, pour aller à l’école, se rendre au travail, chez le médecin, faire ses courses ou partir en vacances. Nous devons dès à présent préparer la réponse aux attentes des français de demain.
Et négliger les investissements dans les transports, c’est réduire la croissance potentielle de notre économie. Nous devons imaginer les besoins des français dans 10, 20 ou 30 ans pour préparer nos infrastructures à y répondre.
Vous savez que je prends souvent pour référence le plan Freycinet qui, initié à la fin du XIXème siècle a dessiné le réseau des infrastructures ferroviaires et fluviales pendant près d’un siècle.
Aujourd’hui, si l’on veut décider sur le temps long, il est donc essentiel de répondre aux attentes et aux grandes tendances de la société française :
- A l’accroissement des besoins de mobilité qui bondirait de +30% à horizon 2050 et même de +50% pour les transports collectifs[1],
- Au besoin de décarbonation des mobilités, afin de respecter la stratégie nationale bas carbone il est nécessaire d’augmenter les transports collectifs de +25% d’ici à 2030.
Pour réussir cette transition et répondre aux besoins de la société, il est nécessaire de donner de la visibilité à l’ensemble des acteurs du monde des transports : financeurs, bâtisseurs, opérateurs et voyageurs.
Aussi, et comme suite à vos travaux, je vous annonce que le Gouvernement portera un projet de loi cadre au Parlement.
Cette loi historique pour les transports sera composée de deux jalons :
- Le premier jalon « principiel » sera déposé au Parlement avant la fin 2025, cette loi cadre constituera un cadre pour les nouveaux équilibres du système de financement des infrastructures de transports. Ce texte portera les grandes orientations que vous avez défendues, fera l’objet d’une co-construction, en associant dès la phase de rédaction les parlementaires volontaires et au premier chef ceux qui ont participé à la conférence Ambition France Transports ;
- Le deuxième jalon « programmatique » fera suite à la revue des grands projets que j’ai confiée au COI nouvellement installé le 2 juillet ; il permettra de fixer une trajectoire d’investissements précises (« à l’euro près ») pour réussir la décarbonation des transports. Cette loi de programmation fera donc suite au premier texte principiel et à la revue des grands projets que le COI engagera dès la rentrée et poursuivra en 2026.
Tandis que le projet de loi, que nous déposerons au Parlement avant la fin de l’année 2025, permettra de donner corps aux grandes orientations portées par la conférence Ambition France Transports et donnera un cadre d’action à notre administration.
Ce texte inédit actera :
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le maintien des péages autoroutiers dans le cadre d’un nouveau modèle concessif. Comme vous le savez, la majorité des concessions autoroutières arriveront à échéance entre 2031 et 2036. Il est donc impératif de nous pencher dès à présent sur leur avenir, car la démarche est longue et les échéances se rapprochent rapidement.
C’est pourquoi j’ai demandé à la Conférence d’examiner les différentes options sur la table.
Sur la base de vos recommandations, le Gouvernement acte le renouvellement du mode de gestion en concession, mais dans un cadre renouvelé et plus exigeant.
Les futures concessions seront plus restreintes : elles couvriront des périmètres géographiques renouvelés, auront une durée plus courte, intégreront un système d’encadrement de la rentabilité, ainsi que des clauses de revoyure tous les cinq ans.
Ces nouvelles concessions marqueront le retour de l’État dans un rôle central de pilotage des infrastructures. Et la puissance publique sera également associée au capital des futurs concessions.
En décidant aujourd’hui, nous nous donnons le temps nécessaire pour renégocier le modèle concessif en amont, afin de laisser à l’administration le temps nécessaire pour préparer ces futurs contrats dans de bonnes conditions.
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Ensuite, ce premier texte prévoira un fléchage de 100 % des recettes associées à ces nouvelles concessions vers les investissements dans les transports, et j’insiste sur ce point : les recettes des transports iront aux transports. Ce fléchage permettra un ressaut historique des investissements dans les infrastructures de transports, c’est une avancée majeure de la conférence Ambition France Transports que vous avez portée.
Ces financements, qui commenceront à être disponibles dès 2032, monteront en puissance progressivement pour atteindre leur plein effet en 2036, avec à terme 2,5 milliards d’euros par an supplémentaires consacrés aux transports.
Ces recettes supplémentaires, stables et pérennes, seront intégralement affectées à nos infrastructures, pour leur régénération, leur modernisation et leur adaptation aux besoins de demain, notamment pour assurer leur résilience face au changement climatique.
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La loi cadre consacrera également la priorité accordée à régénération et à la modernisation des réseaux existants. C’est pourquoi j’ai mandaté le COI pour procéder à une re-priorisation des grands projets, afin de mettre à jour leurs valeurs socio-économiques et de vérifier leur cohérence avec nos priorités.
- Enfin, cette loi cadre initiale ouvrira la voie à l’établissement d’une programmation précise des investissements (« à l’euro près ») d’ici la mise en place du nouveau modèle de gestion des autoroutes, cette programmation prévoira un équilibre entre les emplois et les ressources.
Ce premier texte majeur, que nous déposerons au Parlement en décembre 2025, aura donc des conséquences sur l’ensemble des modes de transports.
- D’abord sur le chemin de fer, je veux que cette loi puisse permettre de graver dans le marbre la priorité que le gouvernement fait de la régénération et de la modernisation de notre réseau ferroviaire qui est notre patrimoine commun.
Le texte fixera dans le marbre de la loi l’objectif de 1,5 Md€ par an supplémentaire affecté au réseau à compter de 2028 : c’est historique, c’est une première.
C’est un engagement fort du gouvernement pour continuer à développer l’offre de transport ferroviaire de voyageurs et de marchandises.
Le financement de cette enveloppe fera l’objet d’un triple effort :
- de la part de la SNCF avec la mobilisation de son fonds de concours, c’est-à-dire un réinvestissement partiel des profits générés par le Groupe et fléchés par l’Etat dans son réseau ;
- de la part du secteur privé en remobilisant des capitaux privés, notamment en utilisant des contrats de partenariat pour des opérations de modernisation du réseau ferré national (comme le système de signalisation ERTMS) ;
- de la part de l’Etat qui pourra ouvrir de nouveaux leviers, comme les certificats d’économie d’énergie (CEE), c’est-à-dire en valorisant les économies d’énergies que permettent les rénovations du réseau, par exemple le renouvellement des caténaires.
Enfin, si le levier tarifaire peut, dans certains cas, être mobilisé utilement par les autorités organisatrices de la mobilité pour les transports en commun, je ne souhaite pas qu’il le soit à ce stade pour les billets SNCF, qui ont déjà fait l’objet de hausses significatives afin d’accompagner l’amélioration de la qualité de service.
- Ensuite sur la route, nous mettrons la priorité sur les investissements dans le réseau routier national non concédé ; outre la rénovation du modèle concessif, le nouveau modèle des péages et le fléchage des recettes autoroutière à venir, nous acterons la priorité de l’Etat sur la régénération et la modernisation des réseaux routiers existants :
Car une des priorités qui ressort de la conférence, c’est bien la nécessité de résorber la dette grise du réseau national routier.
Pour cela, je défends dans le cadre du PLF 2026, une revalorisation des crédits dédiés à la régénération du réseau routier national financée par l’AFITF, ainsi que l’abondement du programme Ponts porté par le CEREMA. Ce premier ressaut nous permettra de stopper l’accumulation de la dette grise du réseau routier national et de préparer sa résorption progressive.
Par ailleurs, j’ai missionné le COI pour réaliser un audit du réseau routier structurant à la maille plus fine que le réseau routier national, car au-delà des autoroutes et des routes nationales, la voirie gérée par les départements et bloc communal est un maillon clef de notre réseau de transports dont il faut objectiver les besoins.
- Concernant les mobilités du quotidien portées par les autorités organisatrices des mobilités, je veux clarifier la palette d’outils que l’Etat propose pour accompagner la mise en œuvre des services express régionaux métropolitains. Ils sont en effet un axe central du développement des transports publics dans notre pays.
En effet, les SERM qui, depuis la loi du 27 décembre 2023, ont suscité un engouement remarquable et confirmé le foisonnement d’initiatives locales, qui illustrent l’importance des enjeux liés aux sujets de mobilité :
- La décarbonation des transports précisément là où le potentiel de report modal efficient est le plus grand ;
- Le désenclavement des zones péri-urbaines dont le sentiment de relégation accompagne les difficultés de déplacements ;
- Une nouvelle impulsion donnée à un aménagement du territoire pensé autour des mobilités multimodales, et offrant de nouvelles opportunités au développement du logement ;
- Enfin tout simplement amélioration de la vie de nos concitoyens sur une question dont tous les élus savent bien qu’elle occupe le premier rang des préoccupations quotidiennes des français.
S’agissant donc des outils que propose l’Etat, la SGP ne se limite plus à l’Ile de France et je veux qu’elle devienne le vrai opérateur de l’Etat en charge du déploiement des SERM. Une nouvelle gouvernance associant les collectivités, accompagnera donc le déploiement de toutes ses capacités sur l’ensemble du territoire national.
Je rappelle également que sur ce dernier point le gouvernement a annoncé la prise en charge par l’Etat de la préfiguration des SERM ; c’est d’ores et déjà un acquis majeur de la conférence qui permet d’accélérer de façon concrète le déploiement des SERM.
Au-delà, et en s’appuyant sur ce que prévoient déjà les volets mobilité des contrats de plan, les orientations financières que j’ai évoquées pourront être mises au service de cette politique d’investissement nationale, quand ce sera nécessaire.
- Enfin, sur le fret, la régénération des réseaux, ferroviaires, routiers, mais aussi fluviaux, permettra d’adapter nos infrastructures de transports aux flux croissants de marchandises.
Sur le fret ferroviaire, je défendrai un financement du plan Ulysse, grâce au panier de ressources de l’AFITF, afin d’accélérer sur le transport de marchandises décarbonées dans notre pays.
Je souhaite également que les parlementaires se saisissent de la mise en œuvre d’une contribution chargeurs, c’est-à-dire une trajectoire incitative à l’électrification des poids lourds pour les grands donneurs d’ordre.
Grâce à la mobilisation de tout l’écosystème des transports, Ambition France Transports nous permet donc de clarifier et de sécuriser le cadre financier futur des infrastructures de transports. C’est une avancée majeure que je veux souligner aujourd’hui, et elle ne serait pas intervenue sans votre mobilisation collective.
Le texte de loi que nous construirons ensemble permettra donc de clarifier les grands équilibres de financement des infrastructures de transports à horizon 2032, en matière d’entretien, de régénération et de modernisation des infrastructures existantes.
Pour la mise en œuvre du premier jalon « principiel », dès les prochains mois, je souhaite que nous puissions continuer à vous mobiliser, et notamment les parlementaires membres de la conférence, pour construire cette loi cadre ensemble dans une méthode d’association inédite.
Je vous proposerai ainsi d’écrire le texte législatif ensemble, entre mon administration et vous pour présenter un travail fouillé et consensuel en décembre 2025 au Parlement.
C’est donc un nouveau défi qui nous attend à la rentrée et qui permettra de cranter dans la loi les avancées que vous avez permises.
Chers amis, je vous remercie de votre implication dans cette conférence qui nous permet de faire avancer ensemble les transports et de nous donner les moyens de nos ambitions collectives.
Je sais que j’aurais l’occasion de discuter avec certains d’entre vous car le PLF approche, pour les autres je vous souhaite un bel été.
Reposez-vous bien car la rentrée sera chargée ! Merci à tous.