11 juillet 2025 - Sud Ouest
La capacité de l’État à financer 40 % des lignes à grande vitesse du Sud-Ouest est de plus en plus incertaine. Faudra-t-il abandonner ce projet à 14 milliards d’euros ou revoir son mode de financement en ressortant du chapeau un partenariat public-privé ?
La notice envoyée au ministère des Finances fissure les certitudes des partisans de la grande vitesse ferroviaire. Elle préconise un « étalement » et un « réexamen » des grands projets. Mais pas de quoi remettre en cause le projet des nouvelles lignes à grande vitesse du Sud-Ouest (LNSO) entre Bordeaux, Toulouse et Dax. C’est bien connu, quand il n’y a plus d’argent, il y en a encore. Et quand l’État casse sa baguette magique, on peut toujours aller chercher quelques milliards du côté des contribuables, des grandes sociétés privées et même des fonds de pension internationaux.
Hasard ou non, la note de Bercy a fuité en pleine conférence Ambition France Transports, un symposium censé repenser le modèle de financement des mobilités du pays. Des propositions ont été mises sur la table du ministère des Transports le 9 juillet comme le fléchage des recettes supplémentaires issues des autoroutes. Un projet de loi sera déposé en décembre reprioriser les grands projets. En attendant, le président de la conférence Dominique Bussereau, ex-secrétaire d’État aux Transports, avance une piste : « Dans le contexte budgétaire actuel, je ne vois pas comment on pourrait se passer de partenariats publics-privés (PPP). » Le modèle autoroutier est bien connu, celui sur la LGV Tours-Bordeaux aussi.
« Pas une décision officielle »
Ce montage financier, qualifié en son temps de « mécanique infernale » par le président pro-LGV de la Région Nouvelle-Aquitaine Alain Rousset, a été écarté au moment de la signature du plan de financement de la Bordeaux-Toulouse-Dax en 2022. Sécheresse budgétaire oblige, cette option pourrait ressurgir pour éviter un déraillement du projet. Un nouvel aiguillage est attendu cet été ou à l’automne : « La note interne de Bercy est une piste de travail, pas une décision officielle. » Même posture du côté du côté des maîtres d’ouvrage SNCF Réseau et SNCF Gares & Connexions.
Le directeur de l’Agence GPSO Christophe Huau a déclaré fin juin que le calendrier n’a pas évolué : « Nous n’avons pas reçu de nouvelles directives. La dernière convention de financement a permis de débloquer une enveloppe de 300 millions d’euros, de quoi tenir pendant un an. » Ce dernier chèque a été signé uniquement par les 25 collectivités locales impliquées dans le projet. L’État a fait l’impasse. « Cela ne remet pas en cause la clé de répartition finale. À savoir : 40 % pour l’État, 40 % par les collectivités et 20 % pour l’Europe », tempère la Société GPSO en charge du suivi des coûts et des délais pour le compte des collectivités.
La SNCF a prouvé qu’elle pouvait mener à bout des projets de LGV, peu importe le modèle de financement »
La SNCF suit avec attention les débats. « C’est aux financeurs de se positionner. Nous sommes à un moment charnière. Mais cela fait partie de la vie des grands projets », renvoie le responsable du chantier en prenant soin de ne fermer aucune porte : « La SNCF a prouvé qu’elle pouvait mener à bien des projets de LGV avec différents modèles de financement. »
Un risque pour les contribuables ?
Les arguments des opposants sur la saignée environnementale et sur l’inutilité des nouvelles voies sonnent dans le vide depuis vingt ans. Les difficultés budgétaires du pays vont-elles leur donner raison ? Rien n’est moins sûr. La convention de financement avance un plan B. Et même un plan C qui ne fera pas plaisir au contribuable. Le premier, une chimère, est « la recherche d’économies ». Difficile d’imaginer que la facture finale ne dépassera pas les 14 milliards d’euros en 2032.
Deuxième piste : « Une mobilisation accrue des ressources fiscales. » L’augmentation des taxes additionnelles instaurées lors de la création de la société de projet n’est donc pas à exclure. Troisième piste : « Une répartition équitable entre les financeurs. » Si l’Europe décide de couper le robinet des subventions, l’État et les collectivités devront compenser : « Ce n’est pas le cas aujourd’hui. L’Europe est au rendez-vous sur les premiers appels de fonds », rassure SGPSO en rappelant à chaque communication que les nouvelles lignes visent la frontière espagnole. Et si l’État fait faux bond ? Pas de réponse. Et pour cause : « Cela n’a jamais été envisagé. »
Alain Rousset met la pression sur l’État
Alain Rousset a participé mardi 1er juillet à la conférence Ambition France Transports. Objectif pour le président de la Région : mettre l’État devant ses responsabilités : « Ce projet a été validé par trois Premiers ministres (Castex, Borne, Attal). J’attends que le gouvernement actuel réaffirme ses engagements. Ce chantier est prioritaire : report modal, fret, transport des troupes et du matériel militaire, décarbonation, etc. L’État doit se concentrer sur les projets stratégiques au lieu de vouloir être présent derrière tous les rubans. La LGV va coûter beaucoup plus cher si l’option public-privé est choisie. »---