12 juillet 2024 - Sud Ouest
Les riverains de Laruscade et Cavignac, avec leurs soutiens, devant le tribunal administratif, le 11 juin.© Crédit photo : D. B.
Après des années de procédure, le tribunal administratif de Bordeaux a donné raison à cinq habitants de Laruscade et Cavignac, condamnant Lisea, la société concessionnaire, à des sommes allant de 51 000 à 241 000 euros
« Ça semble très positif », soufflait Jean-Claude Sarrazin, à la sortie de l’audience, le 11 juin dernier. Il ne croyait pas si bien dire, ce voisin girondin de la LGV Tours-Bordeaux, l’un des cinq habitants des villages de Laruscade et Cavignac qui ont saisi le tribunal administratif de Bordeaux pour nuisances sonore et visuelle. La juridiction a rendu son délibéré le 2 juillet, condamnant Lisea, société concessionnaire de la ligne à grande vitesse, à des sommes loin d’être anodines, entre 51 250 et 241 600 euros.
Épilogue de quatre ans et demi de procédurespour cette poignée de riverains auxquels le tribunal administratif, emboîtant le pas du rapporteur public à l’audience de juin, a reconnu à la fois une moins-value immobilière potentielle de l’ordre de 25 %, et des troubles liés aux bruits et vibrations des trains lancés à toute vitesse depuis la mise en service de la LGV, en juillet 2017. Les juges se sont appuyés sur les rapports d’expertise judiciaire, relevés acoustiques compris.
Pics de bruit
Illustration dans cette maison de Laruscade, « à 161 mètres de la LGV », dont les occupants, exposés au passage de 46 trains en journée et 3 trains en pleine nuit, subissent des « niveaux d’émergence sonore significatifs », ces fameux pics de bruit qui atteignent « 19,7 décibels sur une durée cumulée de 33 minutes en période diurne et 20,4 décibels sur une durée cumulée de 2 minutes et 44 secondes en période nocturne ».
Si Lisea s’en tient au respect d’un arrêté de 1999 sur les indicateurs de gêne ferroviaire, « cette circonstance ne suffit pas à exclure l’existence d’un préjudice grave et spécial lié à des nuisances sonores susceptibles d’engager la responsabilité, même sans faute, de la société Lisea », souligne le jugement. Le 11 juin, sur le trottoir du tribunal administratif, Jean-Claude Sarrazin, riverain de Laruscade dont l’habitation se trouve à 122 mètres de la LGV, se disait sous anxiolytiques. « Les trains passent à minuit, 2 heures, puis 4 h 10-4 h 15 du matin. C’est invivable. »
Lisea « fera appel »
Dans quatre des cinq dossiers, Lisea aura par ailleurs « le choix », est-il écrit, « entre le versement d’une indemnité de 30 000 euros et à la réalisation de mesures destinées à réduire les nuisances sonores supportées dans un délai d’un an ». « On a fait le plein des demandes », se réjouit MeNorbert Bouhet, avocat des cinq riverains. Deux autres dossiers restent en suspens mais l’avance des frais d’expertise, de 5 000 à 6 000 euros par habitation, aurait dissuadé plus d’un riverain. « Beaucoup n’y sont pas allés », regrette Jean-Claude Bossuet, président du Gant et la plume, une association de défense qui a accompagné les requérants devant la juridiction administrative.
Contactée par « Sud Ouest », Lisea « fera appel », la société concessionnaire invoquant le « respect de la réglementation ». Annoncées de longue date,de nouvelles mesures de protection, entre murs anti-bruits, merlons et isolations de façade sur « 105 sites identifiés en Nouvelle-Aquitaine » le long de la LGV, seront par ailleurs mises en œuvre « en 2025 ».