3 octobre 2022 - Sud Ouest Editorial
Benoît Lasserre© Crédit photo : Claude Petit
En l’espace de quelques jours, les patrons de deux fleurons de l’industrie française ont été poussés vers la porte de sortie par l’État, leur actionnaire principal ou unique. Jean-Bernard Lévy d’abord, banni de la tête d’EDF, puis Luc Lallemand, le PDG de SNCF Réseau, révoqué et remplacé dans la foulée par son ancien numéro 2, rappelé d’urgence du groupe La Poste qu’il avait rejoint en mai dernier. Ces deux dirigeants mis sur la touche avaient pour point commun de préférer le franc-parler à la diplomatie, sachant que la franchise n’est pas forcément synonyme de vérité.
Face à l’ampleur de la mission, rénover le parc nucléaire pour l’un et le réseau ferroviaire pour l’autre, Jean-Bernard Lévy et Luc Lallemand ont maintes fois tiré la sonnette d’alarme financière et ont fini par lasser l’Élysée, Matignon et Bercy. Cela fait beaucoup pour espérer conserver son fauteuil. D’autant plus que l’État n’a pas manqué de rappeler à Luc Lallemand qu’il avait effacé une trentaine de milliards de l’endettement abyssal de SNCF Réseau, lui réclamant en revanche le retour à l’équilibre dès 2024. Une mission quasiment impossible.
Ce n’est pas le PDG du groupe SNCF, Jean-Pierre Farandou, qui dira le contraire, lui qui demande à son actionnaire une enveloppe de 100 milliards d’euros pour les quinze ans à venir, indispensable à ses yeux pour doter le pays d’un réseau ferroviaire digne de ce nom et en concordance avec notre époque. Les usagers de Nouvelle-Aquitaine en sont souvent les premières victimes.
« Partisans et adversaires de la grande vitesse se rejoignent en tout cas sur un constat proche d’une lapalissade. Pas de fer sans argent »
Or, le projet de loi de finances 2023 n’attribue que 3,8 milliards d’euros à l’Agence de financement des infrastructures de transports dont la présidence vient d’être confiée à Jean Castex, celui qui, alors à Matignon, a relancé les projets de grande vitesse Montpellier/Perpignan, Bordeaux/Dax et Bordeaux/Toulouse. Des lignes juridiquement sur les rails mais toujours contestées sur le terrain politique, écologique et économique, comme l’a montré la manifestation anti-LGV organisée samedi à Langon.
Partisans et adversaires de la grande vitesse se rejoignent sur un constat proche d’une lapalissade. Pas de fer sans argent. Reste à savoir comment on l’investit, en observant que le premier quinquennat d’Emmanuel Macron a débuté par le désaveu du TGV au profit « des transports du quotidien », expression fourre-tout dans laquelle chacun met les trains qui lui conviennent, et s’est achevé, précisément avec Jean Castex, par la renaissance, terme ô combien macroniste, de chantiers voués la veille aux gémonies.
Qu’il s’agisse du ferroviaire et des énergies, chapitres majeurs du débat sur le réchauffement climatique, deux politiques ne sont plus acceptables de la part de l’État : celle du zigzag et celle du petit bras.