8 juin 2016 - ladepense.fr
NdlR- TGV Albret : Excellent article
© Présidence de la République
Un mois après la mort en 2014 de Rémi Fraisse, militant opposé au barrage de Sivens, le Président de la République s’est engagé à mieux prendre en compte la parole citoyenne : « Tout doit être fait pour que sur chaque grand projet, tous les points de vue soient considérés [...] et que toutes les alternatives soient posées ». Début 2015, Ségolène Royal lance le chantier de la démocratie participative et installe une commission dont l’objectif est de renforcer la transparence et l’efficacité du débat public et l’association des citoyens aux décisions qui les concernent.
Pour les projets GPSO, et en particulier celui de la LGV Bordeaux-Toulouse, quelle part fut donc laissée à la participation des citoyens dans l’élaboration de la décision ?
La procédure légale de « concertation » démarre en 2005 avec le débat public organisé par la Commission nationale du débat public (CNDP), créée par la loi Barnier du 2 février 1995, sur la protection de l’environnement. Cette autorité administrative indépendante a pour mission « d’informer les citoyens et de faire en sorte que leur point de vue soit pris en compte dans le processus de décision ». Ce débat public est resté, comme chacun a pu le constater, si confidentiel que rare fut le public chanceux ayant pu prendre part à la discussion sur l’opportunité du projet. Discrétion volontaire ? À vous de juger… Selon les organisateurs, la participation fut bien évidemment quantitativement remarquable.
Malgré cette discrétion, des citoyens sont cependant alertés par des rumeurs et quelques élus locaux clairvoyants. Des associations fleurissent tout le long des projets de tracés, glanent des informations, s’interrogent, approfondissent les éléments trouvés, organisent des réunions publiques, des manifestations. Un parcours de forçat !
Une fois l’opportunité du projet tranchée, une deuxième vague de consultation du public s’abat sur le Sud-ouest de mai 2009 à octobre 2013. Le débat se déploie autour de quatre thématiques : les modalités de la concertation (1), les hypothèses de tracés (2), les résultats de la comparaison des hypothèses de tracés (3) et le tracé optimisé et ses mesures d’insertion (4). Le maître d’ouvrage, RFF, applique les recommandations du gouvernement : la population est soudainement prise en considération. Tels des Indiens, les citoyens voient l’apparition des très officiels « Totems GPSO » dans les mairies de tous les villages impactés. Sur ces présentoirs succincts, parfois bien cachés, figurent des plans et des informations pour les moins synthétiques, assortis d’une boîte à idées où l’on peut glisser avis, objections et suggestions. Une mascarade. Là encore, seuls des « initiés », parfaitement imprégnés du dossier, peuvent participer. Pour le grand public, ce format de débat est complètement inaudible. Et pour les nouveaux entrants dans le débat (une majorité), la frustration est grande de ne plus pouvoir discuter de l’opportunité du projet.
Pendant ce temps, RFF déroule sa procédure implacable, répond avec un silence méprisant aux demandes insistantes d’entretiens, rechigne à organiser localement des réunions publiques d’information, traite avec dérision toute proposition raisonnable d’alternative. Par contre, il envoie ses VRP chez nos élus locaux (seuls interlocuteurs privilégiés et chouchoutés), pour promouvoir les bienfaits mensongers du projet GPSO : désenclavement et développement économique des territoires, création de milliers d’emplois, compensations financières pour les dommages environnementaux, etc.
Le temps passe inexorablement. Un tracé définitif est approuvé par le gouvernement. Mais l’espoir de se faire entendre revient et se renforce avec l’arrivée de l’enquête publique. D’octobre à décembre 2014, des permanences sont tenues par les commissaires enquêteurs sur la totalité du tracé et une plateforme en ligne est ouverte pour accueillir les avis. Plus de 14 000 contributions citoyennes sont recensées, dont 92 % rejettent ce projet inutile. Les citoyens en révèlent les graves failles budgétaires et la faible rentabilité ainsi que les effets dévastateurs sur la nature et les biens. Des arguments cartésiens, des propositions respectant finances publiques, environnement et patrimoine finissent sans doute de convaincre les Commissaires enquêteurs qui rendent un avis défavorable. C’est une première pour un projet d’infrastructure de cette envergure !
De très nombreux rapports avaient cependant alerté le gouvernement qui est resté là encore sourd à la sagesse de leurs conclusions. Rendons ici hommage à cette multitude d’experts qui ont travaillé en vain (aux frais de l’État) en citant, entre autres, le Conseil d’Analyse Économique (2007), la Cour des Comptes (2008, 2010, 2012, 2014), le Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable (mai 2011, novembre 2012), les Assises du ferroviaire (15-12-2011), le Conseil Économique Social et Environnemental (2012), la Commission économique du Sénat (08-06-2011), la Commission des finances de l’Assemblée Nationale (18-05-2011), l’Étude d’universitaires et d’experts menée de 2003 à 2012 (Marie Delaplace) et le Rapport Claraco (2011 et 2012). Enfin, la Commission d’enquête publique qui donne raison à la raison.
Qu’importe la raison ! La politique, les intérêts personnels, les egos, les lobbys ont eu raison de la raison : le gouvernement a déclaré le projet d’utilité publique. La DUP est tombée ce dimanche 5 juin 2016 enterrant avec elle la démocratie participative ! Mais l’histoire n’est pas finie, le peuple n’a pas dit son dernier mot. Face à un déni de démocratie, l’énergie est féroce, la détermination indéfectible… Rejoignez La Dépense du Midi, rejoignez les associations défendant de projets respectueux et utiles.
Vive le réaménagement des lignes existantes ! Vive les économies ! Vive la démocratie, la vraie !
Trésor Aloeil