5 avril 2011 - Blog de Sud-Ouest - Réaction de Pierre Pedaugez, Biarritz (64)
A deux chiffres vous dis-je ! Et aux environs de 15% semble être la prévision escomptée de rentabilité du groupe Vinci et consorts, au sujet du cofinancement apporté à la construction de la ligne grande vitesse (LGV) Tours - Bordeaux. Outre l’argent fourni par l’Etat et les collectivités emprunté obligatoirement auprès des banques privées, (non sens économique pour les finances publiques), le groupe serait contraint de faire un emprunt de trois milliards d’euros sur les huit du projet.
Subodorant qu’une autre formule qui pourrait être encore plus juteuse pour le groupe, celui-ci proposerait la formule partenariat public - privé ( PPP) c’est-à-dire que Réseau ferré de France (RFF) serait le locataire pendant au moins cinquante ans du groupe Vinci, étant donné que celui-ci aura financé le projet. Ce qui est scandaleux et que je dénonce c’est que de toute façon, l’Etat, RFF et la collectivité devront passer sous les fourches caudines du financement des banques privées. Ce que je dénonce également vigoureusement c’est que l’Etat ne peut plus prêter à taux zéro aux collectivités pour quelque motif que ce soit, ceci depuis 1973 et aujourd’hui imposé par le Traité de Lisbonne.
Rappelez-vous dans les années 1960, la France en retard dans la construction des autoroutes en avait délégué la construction au privé moyennant une concession de trente ans. A l’échéance, la maitrise de l’exploitation aurait dû revenir à l’Etat, or, la rentabilité a été telle que les investisseurs privés, avec la complicité de quelques amis politiques ont conservé le gâteau, et ça continue. Aujourd’hui ce n’est plus trente ans de concession que l’on demande mais cinquante (toujours plus).
Cette rentabilité à deux chiffres nous en payons vous et moi les conséquences directement. Le renchérissement exorbitant en rentabilité des investissements, qui ne peuvent être financés que par les banques privées, font que vous payerez le billet de la LGV, et le ticket d’autoroute plus cher.
Est-il raisonnable aujourd’hui de prétendre à une rentabilité à deux chiffres, pas plus qu’il n’est raisonnable et même dangereux pour nos finances publiques de tout déléguer au secteur privé, et de nous priver ainsi de substantielles retombées fiscales ? Or, prétendre que cette situation de dépendance, à l’égard sur secteur privé n’a pas été voulue par la classe politique qui nous dirige depuis quarante ans serait un mensonge.
Je terminerais en prenant comme modèle de bon sens la déclaration de Maurice Allais, prix Nobel d’économie : « la création monétaire doit relever de l’Etat et de l’Etat seul ». Je pense également à cette autre déclaration ô combien d’actualité exprimée par un autre grand économiste, Jacques Rueff : « c’est par les déficits que les hommes perdent leur liberté ». Notre liberté nous l’avons perdue puisque nous ne maitrisons plus les sources du financement pour la réalisation d’une nouvelle ligne ferroviaire.