L'Albret... Aux amateurs d'histoire, ce nom évoque celui d'Henri IV, fils de Jeanne d'Albret. Le plus populaire des rois de France chevaucha ces collines et ces vallées, ce pays de noces où la vigne épouse la forêt, l'Ourbise pénètre les sous-bois, Baïse et Gélise fécondent en août la terre gorgée de soleil.
Depuis ces temps lointains, le paysage n'a pas fondamentalement changé. Intacts et paisibles, les pittoresques châteaux d'Ambrus, de Xaintrailles, la robuste tour de Bruch, l'église de Saint-Pierre, celle de Brazalem, ou d'Estussan. Tous ont défié les siècles. Les pampres continuent de tapisser les coteaux, et la forêt est toujours là, même si la houle vert sombre des pins a supplanté le gris des chênes-lièges. Montgaillard, Vianne, ont gardé leur écharpe de remparts.
Les noms de village sont ceux que connut le Vert Galant. On pourrait en faire un poème, tant nous enchantent leurs sonorités et le sentiment de paix qui en émane : Espiens, Cauderoue, Barbaste, Lausseignan, Durance, Feugarolles, Casteljaloux... La syllabe finale de Nérac et de Lavardac nous rappelle que les Romains, déjà, ont aimé vivre en ces lieux.
L'Albret, c'est la Provence de Mistral et de Daudet avant le déferlement touristique. Ici accourent moins les foules que les promeneurs, les gourmets, les délicats en quête d'authenticité. Parfois, le temps semble s'y arrêter, et nous invite à faire de même : pour savourer l'automne qui descend en pente douce dans les palombières ; pour déguster un verre de Buzet, au coin de l'âtre ou au soleil ; pour contempler la brume qui monte, le soir, au flanc des collines. Tout cela dans le silence.
Oui, le silence : îlot de paix, miraculeuse survivance, un privilège qui nous reste.
Et dire que ce bonheur, demain, pourrait être détruit...
Alain Paraillous