30 août 2016 | MobiliCités par Marc Fressoz ( 29 août)
Le dérapage incontrôlé guette l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), selon la Cour des comptes. Fin 2015, l'AFITF traînait une dette de 746 millions d'euros, essentiellement envers SNCF Réseau.
Et si on y ajoute des paiements correspondant à des engagements nouveaux comme le Lyon-Turin ou le canal Seine-Nord, "son insuffisance de financement atteindra 1,6 milliard d'euros" en 2019, soit un milliard de plus que les 600 millions d'euros anticipés à cette date.
Ce constat préoccupant de la Cour des comptes a été établi dans un référé, adressé le 10 juin 2016, au Premier ministre, et rendu public le 29 août. Elle constate que l'agence a échoué à maîtriser sa trajectoire financière et à "orienter ses financements vers les projets les plus créateurs de valeur pour la société".
Ainsi, les magistrats préconisent "de définir des priorités de projets à venir, notamment au regard de leur rentabilité socio-économique, et de réduire considérablement les engagements nouveaux".
En somme, Didier Migaud, premier président de la Cour, interpelle implicitement le président de l’AFITF, le député Philippe Duron pour qu'il fasse du tri dans les projets à financer par son agence en fonction des moyens réellement disponibles.
Cela ne manque pas de sel, puisque Philippe Duron est aussi l'auteur du rapport mobilité 21 qui conseillait au gouvernement de hiérarchiser les projets de LGV ou d'autres réalisations ferroviaires, autoroutes, canaux. C'était en 2013… Préconiser, c’est facile, passer au travaux pratique un peu moins.
Une chambre d'enregistrement
Il faut dire à la décharge de Philippe Duron que la fonction de président du conseil d’administration l’AFITF revêt un caractère surtout honorifique et celle de son conseil d’administration (composé d’élus), s'apparente à une chambre d’enregistrement. Même si les débats y sont vifs et les représentants de l'État souvent malmenés, le conseil d'administration de l'agence ne fait “in fine qu'entériner des décisions arbitrées en "pré-CA ou entre cabinets ministériels, souligne la Cour des comptes.
"A ce jour, aucun administrateur n'a émis un vote négatif sur une seule des quelque 600 conventions proposées à l'approbation du conseil au cours des dix dernières années", insiste-t-elle.
Les vraies décisions se prennent ailleurs, dans les arcanes du ministère : "en pratique, c’est la DGITM qui établit la liste des projets à financer par l'AFITF, qui fixe le montant du concours apporté par l'agence, qui prépare la convention et qui constate le service fait avant paiement", souligne le référé.
Adeptes de l'orthodoxie budgétaire, les magistrats et le premier président de la Cour, précédemment président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, gardent une dent contre cette agence qui constitue à leurs yeux une anomalie, "un instrument de débudgétisation massive contournant les règles de droit commun".
Pour une AFITF indépendante
Mais, alors que les magistrats de la Cour des comptes réclamaient sa suppression en 2009, cette fois, ils n'en font plus un combat. Il faut se rendre à l'évidence, les politiques – la réponse de Manuel Valls au référé le prouve – ne supprimeront pas l'AFITF par crainte de déplaire au secteur des travaux publics qui en vit.
Si l'AFITF doit continuer, autant que l'agence pèse pour orienter une réforme de son fonctionnement, parie l'organe de contrôle. Les magistrats préconisent ainsi "pour le conseil d'administration d'assurer pleinement ses responsabilités en hiérarchisant les projets, et en garantissant leur conformité à une trajectoire financière“.
Qui aurait cru que la Cour conforterait un jour l'AFITF ?
Marc Fressoz