30 août 2016 - Les Echos ( du 25 août)
Habitués à voir les innovations majeures conquérir de plus en plus rapidement le monde, les Français n'ont jamais véritablement compris pourquoi leur superbe TGV n'avait jamais réussi à devenir un succès sur la scène mondiale.La commande à 2 milliards de dollars que viennent de signer les Etats-Unis auprès d'Alstomn'y changera sans doute pas grand- chose : trente-cinq ans après avoir séduit l'Hexagone, le train à grande vitesse reste bien plus une exception que la règle et la tendance tarde à s'inverser.
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A peine quinze pays dans le monde (à commencer par le Japon, qui inaugura son Shinkansen dès les années 1960) ont fait le choix du rail à 300 km/h. Cet échec commercial est à première vue très surprenant. Pourquoi un produit efficace, sûr, utile et plébiscité par le public n'a guère connu de succès. La réponse est bien évidemment économique.
Un problème de coûts
Face au transport routier ou aérien, le train à grande vitesse reste une innovation particulièrement coûteuse. Plus que le matériel, ce sont les coûts en termes de génie civil et d'accès au foncier qui font grimper la facture. Le pire étant qu'à l'image de l'énergie nucléaire, dont les coûts montent avec le temps, la facture du TGV a elle aussi tendance à flamber avec les années. La Cour des comptes relevait ainsi l'an dernier que les coûts de construction des lignes à grande vitesse étaient passés de 4,8 millions d'euros le kilomètre sur l'historique axe Paris-Lyon à 26 millions aujourd'hui. Une multiplication par cinq en trente ans.
Or, pour qu'une innovation se démocratise, il faut que les prix baissent. Il faut que les économies d'échelle générées par la hausse des volumes permettent d'attirer chaque jour plus de clients dans un cercle vertueux. Dopée à la loi de Moore, l'électronique conquiert de nouveaux marchés en étant de plus en plus performante pour un prix compétitif. Et dans des industries matures comme l'automobile, la croissance de la demande et des volumes permet de faire baisser les prix et de démocratiser ainsi à la fois la voiture et des innovations comme l'airbag, la climatisation ou, demain, l'assistance électronique.
Quand les politiques s'en mêlent
Le TGV, lui, n'a jamais réussi à résoudre cette équation économique. Il est resté de ce fait un produit qui, à part sur quelques axes très fréquentés, ne peut guère se passer de subventions. Il est du coup plus souvent soumis aux règles des considérations politiques qu'à la loi du marché. En France, par exemple, les collectivités locales qui sont appelées à l'aide pour financer de nouvelles lignes exigent toutes leur gare ou une liaison directe par un TGV, même s'il roule 40 % du temps sur des tronçons à basse vitesse. Résultat, le TGV coûte cher et avance bien souvent à petite vitesse ou multiplie les arrêts qui le ralentissent.
La vente de trains rapidesaux Américains est donc une belle victoire pour Alstom, mais il y a peu de chances qu'elle change le cours de l'histoire et qu'elle soit le signe d'un véritable décollage de la très grande vitesse à la française. Il faut se réjouir de ce contrat. Pas en tirer des conclusions trop hâtives.