Charente nature a saisi le Conseil d'État
Charente nature conteste les mesures proposées par Réseau Ferré de France pour compenser la destruction des terrains consécutive aux travaux de la LGV.
Pour 130 hectares de terrain mobilisés pour le tracé de la LVG, combien d'hectares faut-il restituer à la nature pour préserver l'équilibre de l'écosystème ? 600, comme le suggère Réseau ferré de France (RFF), en charge de la maîtrise d'œuvre de la LGV Sud-Europe Atlantique. Ou un peu plus de 1 000, comme le réclament les associations de protection de la nature picto-charentaises, au premier rang desquelles Charente nature.
Après deux ans de négociations, le problème mathématique n'est toujours pas résolu. Seule certitude, le ratio entre « les hectares détruits » et les « hectares compensés » a considérablement évolué depuis l'ouverture des discussions : sous la pression, le rapport proposé par Réseau ferré de France est passé de « 65 hectares compensés » pour « 130 hectares détruits » à 600 hectares. Un plafond au-delà duquel « n'ira pas RFF » prévient Corinne Roecklin, la responsable environnement et études générales de la LGV Sud Europe-Atlantique.
Zone Natura 2 000
À défaut de dénominateur commun, c'est une décision de justice qui mettra tout le monde d'accord : le Conseil d'État aura bientôt à statuer sur le recours déposé à l'automne dernier par le trio Charente Nature, Poitou-Charentes nature, France nature environnement. « Il n'est pas exclu que nous allions plus loin », souffle Pierre Guy, le président de Poitou-Charentes nature. En cas de camouflet, le trio d'associations envisage en effet, avec le plus grand sérieux, de se pourvoir devant la Cour européenne de justice : « Notre dossier est prêt. J'ai toujours dit que nous perdrions au niveau français, mais que nous gagnerions devant l'Europe, poursuit Pierre Guy, car l'Union européenne reconnaît pleinement l'importance des zones Natura 2 000 sur son territoire. »
Le Conseil d'État ? La Cour européenne de justice ? Il n'y a rien de surprenant à ce que le calcul des « mesures compensatoires », liées à la construction de la ligne LGV, cristallise tous les fantasmes : de la bonne protection des territoires Natura 2 000 du Nord-Charente, dépend directement la survie de l'espèce volatile des outardes canepetières. « Il ne reste guère plus que trois mâles chanteurs dans le secteur, déplore Gilles Marsat, le président de Charente nature. Or, l'outarde canepetière est très largement inféodée au milieu dans lequel elle évolue. Il suffirait qu'un certain nombre de plaines et de prairies disparaissent dans cette région du Nord-Charente pour que cet oiseau soit définitivement rayé de la carte. Il est donc important de tout mettre en œuvre avant que cette situation ne se présente à nous. »
Les agriculteurs en colère
Charente nature a des raisons d'y croire : le comité d'expertise mandaté par le ministère des Transports pour rendre un avis sur les modalités d'application des mesures compensatoires vient en effet d'adouber les arguments avancés par les associations de protection de l'environnement. N'en déplaise à RFF qui regrette que ladite expertise « ait été limitée à une approche théorique, là où une enquête en situation aurait peut-être eu une influence sur les conclusions des experts. »
Quoi qu'il advienne de la décision de RFF, celle des agriculteurs ne sera pas pour autant acquise à la cause des proenvironnement : « Nous sommes ouverts aux discussions mais nous ne sommes pas d'accord avec les 5 % de terres pour lesquelles les associations exigent une acquisition, conclut Serge Bricq, chargé du dossier à la Chambre d'agriculture. Nous voulons que les terres puissent être gérées par les agriculteurs ».
Sud ouest - 24 avril 2010