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Parution : Faillite à grande vitesse, 30 ans de TGV
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19 septembre 2011 - Mobilicities

Dans un ouvrage très critique sur le modèle du tout TGV qui a animé la politique ferroviaire de la France depuis trente ans, le journaliste Marc Fressoz veut démontrer qu'en continuant ainsi, l'Etat fonce droit dans le mur. L'ouvrage sort le 22 septembre, date anniversaire du premier Paris-Lyon en 2h et une semaine après le lancement des Assises du ferroviaire censées repenser le train. Interview.


Faillite à grande vitesse, l'ouvrage de Marc Fressoz sur l'avenir du TGV.

Mobilicités : le TGV fête ses 30 ans, et vous gâchez un peu la fête... Vous remettez en cause la politique du tout TGV encore de mise aujourd'hui, une critique à laquelle se risque aussi le patron de la SNCF, Guillaume Pepy. Pourquoi faut-il ralentir la grande vitesse ? 

Marc Fressoz : Parce que trop de TGV tue le TGV et asphyxie le système ferroviaire - RFF et SNCF- à petit feu. Et au-delà du système ferroviaire, les finances publiques sont mises en danger par une développement délirant du TGV. A travers le Grenelle de l'environnement, le pays s'est engagé à construire 2 000 kilomètres de lignes à grande vitesse supplémentaires d'ici à 2020.


La France a t-elle les moyens de ses futurs TGV ? 
Non. On est en crise, on ferme des classes dans les écoles et dans les lycées pour faire des économies, on a peur d'une dégradation de la notation financière de l'Etat français mais on veut créer 2 000 km de lignes à grande vitesse, soit 80 milliards de dettes supplémentaires ! Il y a peut-être des priorité à inverser. Les premiers TGV ont été construits sur des liaisons où il y avait un grand potentiel de trafic, Paris Lyon a été rentabilisé très vite d'autant que les coûts de construction ont été parfaitement maîtrisés. On passait de 140 à 260, 300, puis 320 km/h. Mais ceux que l'on met aujourd'hui sur les rails n'ont pas le même effet trafic que leurs prédécesseurs et leur rentabilité est très faible. D'autant que les contraintes des lois Grenelle ont renchéri les coûts de construction. Le calcul est aujourd'hui très simple. Gagner une heure de trajet entre Paris et Bordeaux coûte près de 7 milliards d'euros ! C'est le prix de la future LGV Tours Bordeaux qui doit entrer en service vers 2016. 

Et pourtant, en inaugurant la LGV Rhin-Rhône début septembre, Nicolas Sarkozy a enfoncé le clou en annonçant "des investissements ferroviaires comme jamais". Le TGV, et plus généralement les transports, seraient-ils devenus un enjeu électoral ?
C'est un discours de pré campagne électorale qui fait du TGV un remède anti-crise. Le président de la République porte le discours qu'Alstom et la SNCF ont répandu auprès des élus pendant deux bonnes décennies. Mais aujourd'hui, la SNCF s'éloigne de ce discours qui repose sur l'idée que couler du béton pour aller toujours plus vite - on parle d'aller à 350 km/h - fait forcément du bien à tout le monde. Or ce n'est pas le cas. Il y a sans doute d'autres pistes à explorer comme l'amélioration de la qualité de service à bord des trains, davantage de confort, et tout simplement arriver à garantir l'arrivée des trains à l'heure.


Marc Fressoz, auteur de "Faillite à grande vitesse, à paraître le 22 septembre. © N.A - Cliquez pour agrandir la photo
Qui veut plus de TGV : les Français qui les utilisent ou les élus locaux ?
Ce sont d'abord les élus qui considèrent que s'ils n'ont pas le TGV dans leur ville, leur département, leur région, leur territoire ne vaut rien, que c'est un territoire de seconde zone. Il faut avoir le prestige du TGV sinon on n'est pas à niveau. Ensuite, peut-être que les parlementaires veulent le TGV pour leur propre usage... Dans la mesure où ils ne paient pas le train puisqu'ils ont le droit à des billets achetés par l'Assemblée nationale ou le Sénat à la SNCF, on peut considérer qu'ils veulent du TGV pour faire la navette plus facilement entre leur circonscription et le Parlement. J'ai recueilli des témoignages d'élus en ce sens. Il y aurait une hiérarchie au sein du Parlement : les élus qui prennent l'avion parce qu'il viennent de loin, ceux qui prennent le TGV comme les Lillois, les Rhône-Alpins ou les Alsaciens et tous les autres. Pour les élus des régions mal desservies par des TER ou des Corail, avec des infrastructures ferroviaires vétustes, le grand saut en avant, c'est de pouvoir venir au Parlement en TGV, devenu le nouveau carrosse de la République. Simplement, les élus ne paient pas le train, ils ne se rendent pas compte que le TGV c'est cher.


Dans votre livre, vous dites même que l'impact TGV sur les territoires n'est pas toujours si positif que ça
Oui, il y a un certain nombre d'idées fausses que le désir de TGV a favorisé. A savoir qu'une ligne de TGV, c'est de l'emploi maintenu ou créé, que c'est un bienfait économique. Certes, mais le TGV bouleverse aussi la donne économique dans certaines villes. A Marseille par exemple, le prix de l'immobilier a flambé alors que c'était une ville plutôt populaire avec des prix immobiliers assez homogènes, même en centre ville. Et aujourd'hui, beaucoup de Parisiens achètent un pied à-terre à Marseille ce qui a provoqué une hausse vertigineuse des prix de l'immobilier. Sur la ligne Paris-Marseille, les gares d'Avignon ou d'Aix ont permis aux Parisiens de s'acheter des propriétés et l'effet TGV, c'est que l'immobilier devient inaccessible pour les locaux.


Pour reprendre vos termes, le TGV est un "cache-sexe" qui permet de masquer une SNCF immobilisée par l'inertie de ses syndicats. Quel est la nature du mal ?
Il n'y a aucune réforme de fond du système ferroviaire français. Tout le monde s'est satisfait de l'idée que le TGV était un facteur de modernisation de la SNCF et les politiques ont loupé le coche dans les années 90. A contrario, en Allemagne, il y a eu un contrat social entre les politiques, la Deutsche Bahn et les contribuables pour apurer le passif du rail. L'Etat allemand a repris à sa charge la dette ferroviaire mais en contrepartie d'une grande réforme qui a mis fin au statut cheminot à la DB pour les nouveaux embauchés. L'Allemagne a ouvert son marché du ferroviaire à la concurrence et aujourd'hui, la DB est le principal acteur en Europe pour le fret. Dans le transport de voyageurs et de proximité, elle est également très offensive. En France, on a lancé le TGV, mais on a abandonné toutes les réformes nécessaires, parce qu'il y a eu la grande grève de 1995 qui a crée un vrai syndrome. Tous les gouvernements ont eu peur de la puissance des syndicats cheminots qui peuvent bloquer un pays et fragiliser un gouvernement. Il y a donc eu une grande lâcheté des responsables politiques, et toutes les dernières années ont consisté à conforter les avantages du statut cheminots pour éviter la révolution.


Demain, l'ouverture des lignes voyageurs à la concurence pourrait-elle obliger de revoir le modèle ferroviaire français ? 
Aujourd'hui, les bénéfices du TGV sont en grande partie engloutis dans le fret et demain, cette vache à lait va être concurrencée sur les liaisons internationales voyageurs. Même si tout est fait pour compliquer l'arrivée de la concurrence, elle va finir par se lancer et les nouveaux entrants s'attaqueront alors au magot du TGV. La DB va s'attaquer au juteux marché du Transmanche en 2013, elle va exploiter des ICE entre Bruxelles et Londres et Paris et Londres. Il faudra donc revoir le modèle TGV dont la SNCF déplore déjà depuis quelques années l'effritement de la rentabilité. Il faudra peut-être supprimer des dessertes TGV non rentables, réorganiser certaines dessertes sur le modèle des hubs avec des destinations finales desservies en TER. C'est un scénario que la SNCF est en train d'envisager. 


Propos recueillis par Nathalie Arensonas

 

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