10 février 2011 -Le Sud-Ouest- Par Michel Laffargue
Le tracé détruit entièrement une ferme familiale et sa vigne classée en AOC Buzet.
Marie-Hélène Bertrand dans sa vigne en AOC Buzet voit son avenir et celui des ses enfants hypothéqué. PHOTO « SUDOUEST »
Au lieu dit Palisse sur les hauteurs de Vianne, Marie-Hélène Bertrand exploite une petite propriété appartenant à la famille depuis 18 76. En reconversion bio, elle travaille 4,70 ha de vigne en AOC Buzet et livre sa production à la cave coopérative.
Aujourd'hui sa passion, sa confiance, son investissement, sont remis en cause, sinon condamnés. La ligne LGV écrase tout sur son passage, la maison, la vigne et une grande partie des terres et des bois.
De nature pacifique, ayant toujours privilégié la qualité des rapports humains, le dialogue à la confrontation stérile, Marie-Hélène Bertrand se dit aujourd'hui en colère : « Ils vont encore nous prendre des terres agricoles, abîmer la nature, l'environnement, détruire le patrimoine familial. Notre propriété va ainsi être rayée de la carte. » Cette ferme est sa vie : « Elle est mes souvenirs, représente mon avenir, celui de mes enfants, de mes petits enfants que je pensais voir grandir ici. Tout est remis en question. J'ai 44 ans et je n'ai pas l'âge de la retraite. »
En terrain conquis
Elle souligne le « manque de considération, le mépris », qui ont présidé aux démarches. « Il y a deux ans, nous avons découvert sept à huit automobiles garées devant notre maison et vu des gens accompagnés de la mairesse de Vianne effectuer des mesures sur notre terrain comme s'ils étaient chez eux. N'ayant pas été prévenus nous avons du leur demander qui ils étaient et la raison de cette présence. Il s'agissait de représentants du Réseau ferré de France (RFF). Voilà comment nous avons appris le projet de la LGV et que cette ligne allait passer sur nos terres. »
Marie-Hélène Bertrand considère que la concertation ensuite mise en place n'a pas été satisfaisante : « Ils disent que des documents prévoyant notamment l'emprise de la ligne a été à la disposition du public en mairie. C'est vrai mais on peut déplorer que l'on n'ait pas été prévenus officiellement. Si nous n'allons pas à la recherche de l'information, on se retrouve devant le fait accompli. De plus les documents auraient pu être consultés sur une durée plus longue. »
Service public abandonné
Considérant que « RFF et la SNCF ont abandonné leur mission de service public » et que le projet de LGV « ferait payer deux fois les citoyens qui continueront à assurer l'entretien de la ligne existante », l'agricultrice défend la réhabilitation de cette dernière : « On ne veut pas des avions sur rail mais des trains rapides et cette ligne est loin d'être saturée. Sa mise aux normes coûterait 6 à 7 fois moins cher que le projet que l'on veut nous imposer. Et, contrairement à la LGV qui serait empruntée par une élite qui veut aller toujours plus vite, la ligne actuelle réhabilitée profiterait à tous les citoyens. »
Bien que défendant ses convictions en espérant que le projet ne voit pas le jour et appréciant le soutien d'associations, Marie-Hélène Bertrand vit avec une épée de Damoclès. Elle est bien obligée de prévoir son avenir et celui des siens.
Comme d'autres, elle a participé à une réunion avec des représentants de la Chambre d'agriculture, la Safer et les vignerons de Buzet pour envisager des regroupements de parcelles. Mais c'est avec une peine infinie qu'elle envisage cette alternative. Et ce d'autant plus que parmi les générations de cheminots et agents de la SNCF qui ont maintenu le réseau, se sont trouvés, une arrière grande-mère, une grand-mère, ses deux grands-pères, son père et encore aujourd'hui son frère.