23 novembre 2010 - Le Sud Ouest - par EMMANUELLE LATOUCHE
Le collectif d'élus ALTernative LGV s'appuie désormais sur une expertise pour opposer au projet de LVG celui de modernisation de la ligne existante.
Bernard Faucon-Lambert (Val D'albret) et Raymond Girardi (Coteaux et Landes de Gascogne) coprésident l'association ALTernative LGV. PHOTO E. L.
N'allez plus dire que leurs arguments ne tiennent pas la route. Les élus regroupés au sein du collectif ALTernative LGV ont décidé d'apporter au débat des « éléments de comparaison objectifs » entre les diverses options possibles d'aménagement de l'itinéraire ferroviaire Bordeaux- Toulouse.
Et s'ils annoncent ne pas mener un combat anti-LGV, en filigrane, c'est tout comme. « En commandant cette expertise à un cabinet indépendant, nous cherchions à comprendre l'utilité d'une infrastructure nouvelle pour le territoire. Tout a été fait pour installer la LGV sans étudier les alternatives. Cette possibilité de choisir, nous la convoquons », se défend Raymond Girardi, coprésident d'ALTernative LGV et président de la CdC Coteaux et Landes de Gascogne.
Plus précis
Rendez-vous est donné devant la gare de Marmande pour parler argumentation. « Et cette gare est tout un symbole car si l'on aménage les voies SNCF actuelles, elle pourrait accueillir un jour une desserte de ce TGV qui, aujourd'hui, ne fait que passer. » Un point pour ALTernative.
Expertise de 60 pages à la main, Raymond Girardi et Bernard Faucon-Lambert (Val d'Albret), dénombreront ainsi une demi-douzaine d'avantages en faveur de la modernisation de la ligne actuelle. Rien qui n'a jamais été dit mais qui, cette fois-ci, sert de base à la construction d'une réponse plus précise à opposer aux partisans de la LGV.
En tête des arguments, le gain de temps prôné par les pro-LGV « qui n'en est pas un. On a utilisé des données de RFF pour établir ce tableau comparatif. La LGV GPSO (Grand projet Sud-Ouest) ne ferait gagner que 12 minutes sur celui de la ligne aménagée. Paris sera effectivement à 3 heures de Toulouse si le TGV ne s'arrête nulle part. S'il s'arrête à Agen, il aura 8 minutes pour rallier Toulouse. C'est impossible. Qu'on dise les choses ! », s'agace M. Girardi qui ne comprend pas « pourquoi les collectivités agenaises veulent mettre autant d'argent dans un projet qui leur passera à côté un trajet sur deux ».
« Pris pour des ânes ? »
Deuxième point décliné par cette expertise : le coût. Les anti-LGV en parlent depuis des semaines, l'option de réaménagement de la ligne existante coûterait moins cher. Avec cette pré-étude, toujours établie à partir des données RFF, le chiffrage devient précis. « 4,3 milliards pour la LGV-GPSO contre 0,9 milliard pour la modernisation de la ligne classique, suppression des passages à niveaux comprise. Sachant que RFF aura quand même à supprimer ces 93 passages à niveaux. Qui pour payer la facture de ce projet ? Le contribuable », relève l'élu du Val d'Albret.
En parlant budget, les représentants du comité ALTernative LGV alertent également du projet d'Air France de développer des vols intérieurs compétitifs « pour concurrencer le TGV. Or, les prix qui seront pratiqués sur la LGV ne rimeront pas forcément avec le train pour tous. »
L'association veut entendre la SNCF sur ce point ainsi que sur celui de la fréquentation. « Aujourd'hui, moins de 5 % des Français utilisent le train. Entre Toulouse et Paris, il y a 500 000 passagers. Ils en annoncent 2,9 millions avec la LGV soit quasi 100 % des Toulousains. On nous prend pour des ânes », finit par s'énerver Raymond Girardi. Preuve à l'appui, les élus s'étonnent aussi de l'importante capacité résiduelle du flux sur la ligne classique. « La ligne actuelle n'est utilisée qu'à 50 % de ses capacités. Ce trafic sera, de surcroît, amputé du tiers de ses trains qui circuleront sur la LGV. Quel intérêt pour notre département ? Que les élus et notre député le premier, nous expliquent l'intérêt pour les habitants ? »
Prochaine étape : l'étude
ALTernative 47 craint une prédominance des intérêts toulousains avant ceux du Lot-et-Garonne qui sera lui « relégué au rang de territoire traversé ». Selon toute logique, le comité dénonce la création d'une gare à l'extérieur d'Agen « qui enlèvera toute la lisibilité à la ville alors que le projet pourrait servir de prétexte à une vraie requalification du quartier gare. » C'est ici que réside l'atout phare de l'alternative à la LGV : le progrès à travers l'aménagement du territoire.
Un projet qui aura besoin d'éléments complémentaires, plus techniques, plus détaillés, pour s'afficher comme recevable aux yeux des décideurs. « Nous souhaitons donc lancer une étude complète, sur 6 mois, pour aider la prise de décision définitive. Le Conseil général la soutiendra à hauteur de 30 000 euros (pour un coût total de 80 000 euros). 25 communes se sont engagées à nous aider. »
En attendant, ce premier rapport qui conforte ces élus dans l'idée qu'il reste beaucoup à éclaircir, sera remis au préfet du Lot-et-Garonne, au préfet de Région, au président du Conseil régional « et au ministre s'il le faut ! Au plus grand nombre, pour entrer dans la discussion. Chose qui, jusqu'alors, nous était refusée. »
Lire notre dossier du vendredi 12 novembre