28 septembre 2024 - Sud Ouest
Alain Rousset préside la Région depuis 1998.© Crédit photo : Thierry DAVID / SO
L’élu socialiste, président de la Région de Nouvelle-Aquitaine, est soupçonné d’avoir utilisé des moyens de la Région pour mener sa campagne. Il clame son innocence
Au début de l’été, le président Alain Rousset a été entendu en toute discrétion par les juges d’instruction de Nanterre qui enquêtent sur le financement de sa campagne de 2015. Selon les informations de « Sud Ouest », le président de la Région Nouvelle-Aquitaine est ressorti du bureau des magistrats lesté de mises en examen pour « détournements de fonds publics » et « concussion ». Selon la terminologie judiciaire qui ne présume pas d’une quelconque culpabilité, les magistrats ont considéré qu’il existait des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que l’élu PS qui préside la collectivité depuis 1998 ait pu utiliser les moyens de la Région pour mener la campagne. Mais à rebours des réquisitions du parquet, les juges n’ont pas estimé nécessaire de placer l’élu sous contrôle judiciaire.
Une collection d’e-mails
La justice enquête depuis près de trois ans sur d’éventuels manquements à la suite d’un signalement porté par un ancien proche collaborateur de l’élu tombé en disgrâce. David Angevin, qui avait occupé un temps la fonction de « plume » du président, avait fourni au parquet de Bordeaux une épaisse collection de documents. Parmi ces pièces, un nombre important d’e-mails faisant état de tâches rattachables à la campagne électorale telle la production de notes ou d’éléments de langage accomplies par des membres du cabinet, mais aussi, dans une moindre mesure, par des membres du personnel administratif pendant leurs heures de travail. Il y avait notamment des convocations à des « réunions de campagne » rassemblant des membres du cabinet et des cadres de la campagne dans la salle Mauriac du Conseil régional. Mais aussi des consignes de discrétion, demandant par exemple de ne pas utiliser les adresses courriels professionnelles.
Transmise au parquet national financier (PNF), la procédure a finalement atterri à Nanterre. En raison de la présence au sein de l’administration de Nouvelle-Aquitaine pendant la période visée d’un magistrat en détachement qui a depuis été affecté comme juge d’instruction au pôle financier du tribunal judiciaire de Paris, en charge d’importantes affaires suivies par le PNF, le parquet spécialisé dans les affaires politico-financières avait préféré un dépaysement du dossier. À Bordeaux, la police judiciaire avait perquisitionné les locaux de la Région et procédé à une spectaculaire vague de garde à vue visant l’ensemble du cabinet de l’époque.
Le salaire du DGS
L’enquête a par ailleurs pointé le contrat d’un DGS rémunéré au-delà de ce que permet le texte sur la rémunération des fonctionnaires territoriaux (d’où la mise en examen pour « concussion »).
À la décharge du président de Région, ce dernier a bénéficié de deux placements sous statut de témoin assisté s’agissant de l’emploi de sa directrice de campagne Émilie Coutanceau ainsi que de l’emploi d’un chargé de mission avant les élections. « C’est un début qui prouve que ce dossier mérite un travail contradictoire », souligne Me Jean Gonthier qui défend Alain Rousset avec son confrère Me François Artuphel.
Je ne doute pas que les investigations démontreront ma bonne foi, étant rappelé qu’aucun enrichissement personnel ne m’est reproché »
Sollicité par « Sud Ouest », Alain Rousset se dit « blessé » par cette mise en examen mais soulagé de pouvoir « rétablir la vérité ». « J’ai pu contester avec la plus grande fermeté les faits qui me sont notamment reprochés par un ancien membre du Conseil régional qui avait été licencié pour insuffisance professionnelle. Je démontrerai que mes collaborateurs ont largement rempli leurs missions au service de la Région, au-delà même de leurs engagements, dans le respect des règles qui incombent à tous les agents publics. Prétendre l’inverse serait dénier à celles et ceux qui réalisent pleinement leur travail le droit de s’engager, de s’investir, et de militer. Je ne doute pas que les investigations démontreront ma bonne foi, étant rappelé qu’aucun enrichissement personnel ne m’est reproché » a pointé l’élu regrettant que « l’enquête ne s’est pas attachée à retracer le colossal travail mené par le cabinet alors que nous étions à cette époque en pleine fusion des deux Régions ».
Pour la défense, ce dossier pourrait notamment poser une jurisprudence sur le statut des collaborateurs de cabinet. « C’est un point fondamental car le cabinet est un organe politique. Ses membres sont des politiques au service du politique qui sans eux serait impuissant face à l’administration. Leur interdire de se préoccuper de la réélection de leur patron est un non-sens », fustige Me Jean Gonthier.
Longtemps ignoré, l’encadrement des missions des collaborateurs d’élus est de plus en plus réglementé. Depuis quelques années, la Commission nationale des comptes de campagne alerte notamment les parlementaires sur l’interdiction qui leur est faite d’employer leurs assistants pour les campagnes électorales. À l’évidence, l’issue de la procédure visant Alain Rousset (qui pourra conduire soit à un non-lieu, soit à un renvoi en procès) sera très scrutée dans le monde des collectivités.