14 août 2024 - Le Figaro
Des travaux d’aménagement sont prévus afin de créer une troisième voie au sud de Bordeaux. Un chantier vivement contesté par plusieurs élus locaux, qui déplorent l’abandon des lignes du quotidien au profit des trains à grande vitesse.
C’est un chantier pharaonique. Le GPSO (Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest) prévoit de relier Bordeaux à Toulouse puis Bordeaux à l’Espagne en créant deux nouvelles lignes à grande vitesse. Un projet à 14,3 milliards d’euros qui implique d’artificialiser plusieurs milliers d’hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers et de réaliser de nombreux travaux d’ampleur. Jusqu’au 28 août, une enquête publique environnementale est en cours à propos des aménagements ferroviaires au sud de Bordeaux (AFSB), partie intégrante du GPSO, dont le coût est estimé à 900 millions d’euros. Plusieurs avis ont été déposés, témoignant de vives inquiétudes.
La communauté de communes de Montesquieu (CCM), située au sud de la métropole de Bordeaux, a par exemple rendu un avis négatif et détaillé, déplorant notamment des«incidences significatives et graves»sur un site Natura 2000,«ses habitats et ses espèces». Selon la collectivité girondine,«la ligne ferroviaire va couper de nombreuses continuités écologiques et hydrauliques dans une zone très riche en esteys et ruisseaux avec des risques de pollutions potentielles non maîtrisés». Le Conseil national pour la protection de la nature (CNPN) est également défavorable à ces aménagements, estimant que«les perspectives réelles»des mesures de compensation présentées pour pallier la destruction des espaces naturels«ne sont pas convaincantes et inquiètent pour l’avenir des espèces protégées».
L’enjeu du RER métropolitain
Plusieurs élus sont cependant favorables à ces aménagements. Le maire de Villenave-d’Ornon, Michel Poignonec, soutient la création des AFSB sous réserve que l’optimisation des voies existantes soit recherchée,«de manière que les trains du quotidien soient privilégiés et non pénalisés par les flux existants et à venir»et que des dispositifs de réduction du bruit soient mis en place pour les riverains de la future LGV. Xavier Fortinon, président du département des Landes, juge lui aussi que les AFSB contribueront«au développement des mobilités du quotidien plus respectueuses de l'environnement». Sans surprise, la Fédération nationale des travaux publics donne également son feu vert à ce projet, rappelant que«le génie écologique est aujourd’hui un métier mature», mais que«le dialogue constructif est indispensable pour pouvoir bâtir un projet respectueux des enjeux locaux».
La ville écologiste de Bègles émet quant à elle un avis favorable, mais sous réserve de l’étude de la création d’une voie souterraine plutôt qu’un pont ferroviaire aérien, lequel pourrait générer de sérieuses nuisances sonores pour les Béglais, avec à terme un cadencement au quart d’heure. Le groupe écologiste de Bordeaux Métropole - dont fait partie le maire de Bègles - insiste quant à lui sur l’importance du chantier du RER métropolitain. Selon ces élus,«tout projet ferroviaire sur le territoire de la métropole doit favoriser la réalisation de ce projet ambitieux et essentiel pour les habitants».
C’est la pierre d’achoppement principale du GPSO. Plusieurs élus de tous bords jugent que l’utilité des AFSB - et donc la création d’une troisième voie - serait en réalité loin d’être avérée. Selon eux, ces aménagements ne résoudraient pas les problématiques actuelles des dessertes locales.«Les infrastructures de notre territoire, comme nos transports en commun, sont à la limite de la saturation, entraînant des difficultés toujours plus grandes pour les habitants dans leurs trajets journaliers», regrettent particulièrement les écologistes. Selon eux, il serait donc«impensable»d’autoriser les dérogations au code de l’environnement prévues pour les AFSB«si ceux-ci ne participaient pas activement à résoudre ces problématiques locales».
«Ce projet dispendieux est inutile»
Les élus écologistes métropolitains demandent donc des clarifications sur différents points et émettent à leur tour plusieurs réserves sur les AFSB, estimant qu’il n’est pas démontré dans le dossier d’enquête publique que la voie centrale unique prévue soit«compatible avec un service à la demi-heure du RER M, ni de son évolution au quart d’heure». Selon eux,«le choix des AFSB pour le GPSO ne peut pas se faire au détriment d’un transport structurant, cadencé, au service des habitants et de leurs déplacements quotidiens».
Outre les avis des élus du territoire, de nombreux habitants ont déjà déposé leurs contributions sur le registre numérique, en grande partie négatives. Ils fustigent«un énième projet porté par le pouvoir de l’argent au détriment de l’écologie», un chantier«antidémocratique»et une«gabegie». Un participant à plusieurs réunions d’information juge que«ce projet dispendieux est inutile», et que«ces énormes travaux détruiront des milieux sensibles d’un très grand intérêt écologique et patrimonial». Face au coût des AFSB, certains considèrent en outre qu’un tel investissement«serait plus judicieusement employé pour des travaux d’utilité publique urgentissimes», comme la rénovation de la ligne existante entre Bordeaux et La Réole et la remise en service des lignes secondaires,«afin de désenclaver les communes rurales».