28 octobre 2021 - Sud Ouest
Ndlr TGV Albret : Vous pouvez signer l'appel pour fédérer les opposants , en cliquant le lien : https://www.alternativelgv.fr/
La LGV en Nouvelle-Aquitaine : « Il est urgent d’arrêter ce projet insensé », estime le maire écologiste de Bordeaux, Pierre Hurmic
« Je suis pour le train, je suis européen, c’est pour cela que je suis contre cette LGV », explique le maire écologiste de Bordeaux.© Crédit photo : Guillaume Bonnaud / « Sud Ouest »
Jusqu’ici, les oppositions au projet de LGV au sud de Bordeaux suscitent des débats liés à son financement. Pierre Hurmic, le maire écologiste de Bordeaux et premier vice-président de Bordeaux Métropole, y ajoute l’opposition au « dogme » de la grande vitesse. Et lance un appel pour fédérer les opposants à la LGV. Explications.
Vous contestez la pertinence même d’une LGV au sud de Bordeaux ?
Je défends une solution alternative. Il est urgent d’arrêter ce projet, la LGV est un projet insensé. Cela fait quinze ans qu’on est privés d’un vrai débat sur la meilleure desserte du territoire au nom d’un dogme non négociable : la LGV. Aujourd’hui, je tape du poing sur la table pour défendre un projet ferroviaire alternatif, pragmatique, respectueux des enjeux écologiques, des territoires de leurs habitants. Je lance un appel via un site internet pour rassembler ceux qui sont favorables à une liaison ferroviaire avec l’Espagne, le plus vite possible, et qui irrigue notre territoire. Ce projet de LGV on en parle depuis 2005. En 2017, l’État l’a enterré. À quelques mois d’une échéance électorale on nous ressort ce vieux projet. Je pense qu’il faut donner la priorité aux trains du quotidien, 90 % des usagers de la SNCF empruntent les trains du quotidien, la clientèle des LGV c’est une niche : sur 10 passagers journaliers de la SNCF, un seul emprunte un TGV.
« Je défends le train, mais pas une LGV. Une étude de la SNCF nous dit que la modernisation des lignes existantes se chiffrerait entre 4,6 milliards et 7,3 milliards. À comparer aux 14 milliards d’euros du Grand Projet du Sud-Ouest (GPSO) «
Quelle serait cette solution alternative ?
Je défends le train, mais pas une LGV. Des études, dont celles de la SNCF, nous disent que la modernisation des lignes existantes se chiffrerait entre 4,6 milliards et 7,3 milliards. À comparer aux 14 milliards d’euros du Grand Projet du Sud-Ouest (GPSO). Il y a la question du temps gagné : entre Bordeaux et Toulouse, le delta entre la LGV et des lignes rénovées est de 22 minutes, et 6 minutes pour Bordeaux/Dax. Il faut se poser les bonnes questions : doit-on engloutir des milliards pour gagner quelques minutes ?
Beaucoup de collectivités tiquent davantage sur le financement plus que sur le fond du projet…
Pour la LGV, on va devoir créer une société locale de financement, donc une nouvelle fiscalité dédiée à ce projet [la taxe sur les bureaux, NDLR]. Pour moi, la sobriété, c’est aussi de ne pas créer d’impôt supplémentaire qui va peser sur les entreprises. Notre réseau de TER est un des plus vieillissants d’Europe, il nécessite de gros investissements. On va s’endetter pour quarante ans, créer un impôt dédié au GPSO… Et après, où va-t-on trouver l’argent pour le réseau existant ?
La LGV c’est aussi la liaison avec l’Espagne…
Je suis pour le train et je suis Européen, c’est pour cela que je suis contre cette LGV. En se focalisant sur la LGV, on a perdu de vue que nos voisins espagnols avançaient, eux. Leurs aménagements ferroviaires seront à la frontière en 2027. Qu’a-t-on à leur offrir ? Rien. Le vide. Dax, c’est à 91 km de la frontière et tout le monde sait que la LGV ne traversera jamais le Pays basque. Laisser croire que le GPSO est une liaison européenne n’est pas la vérité. En revanche on peut être à ce rendez-vous, à condition de rénover la ligne existante. Les Espagnols nous attendent.
« La LGV est une politique dépassée qui relie les métropoles entre elles au détriment des territoires traversés. »
Il y a une divergence de vues profonde entre vous et vos partenaires socialistes (Alain Rousset, président de la Région, et Alain Anziani, président de la Métropole) ?
Ce n’est pas un problème politique, mais une question de vision du territoire. La LGV est une politique dépassée qui relie les métropoles entre elles au détriment des territoires traversés. Et puis outre le coût financier, il y a le coût environnemental. La LGV sud c’est 4 800 hectares de zones naturelles agricoles, viticoles, de forêt (2 970 ha), de zones Natura 2000. On en a besoin pour lutter contre le dérèglement climatique.
Vous n’avez pas la même vision du progrès ?
Il y a une fascination pour la vitesse. C’est un vrai débat de société. Le temps passé dans le train est-il du temps perdu ? Ce que demandent les usagers de la SNCF, ce n’est pas de la vitesse mais de la régularité et du confort. Il faut écouter les usagers. Ceux qui sont coincés tous les matins sur la rocade aimeraient bien avoir une alternative ferroviaire à la voiture. Ce n’est pas vouloir revenir à la lampe à huile !
La LGV permettra aussi de dégager des sillons pour développer le fret ferroviaire…
Cet argument n’est pas recevable. Parce que les lignes ne sont pas saturées. Si les trains de marchandises ne circulent pas aujourd’hui, ce n’est pas une question de sillons mais de volonté politique. La France est le pays européen qui a vu le fret ferroviaire le plus décliner ces quinze dernières années. Et c’est le pays qui s’est lancé dans la LGV ! Pendant ce temps, l’Allemagne a vu son fret ferroviaire augmenter de 43 % , le Royaume uni de 15 %. En France il a baissé d’un tiers. On a fait 2 700 km de ligne de TGV, ces quinze dernières années, on a libéré des sillons pour le fret. Or il est en chute libre.
Politiquement vous êtes dans un bras de fer avec votre allié socialiste à la Métropole, pourtant la LGV permettra les aménagements au sud de Bordeaux, indispensables pour faire sauter le bouchon ferroviaire…
C’est une urgence au nord de Toulouse comme au sud de Bordeaux. Ça fait vingt ans qu’on dit qu’il faut le faire sauter. Les partisans de la LGV disent qu’on ne peut le faire qu’avec la LGV : c’est faux. Résultat des courses : on ne le fait pas. Il faut le faire de suite et amener l’État et la SNCF à financer le bouchon ferroviaire à nos côtés. Il faut le déconnecter de la LGV. Nous voterons tous les crédits pour les bouchons sud de Bordeaux (930 millions d’euros). J’entends dire : « les écologistes vont évoluer », mais il n’est pas interdit aux autres d’évoluer. Avec Alain Anziani, le président de la Métropole, on n’est pas d’accord sur tout. On peut avoir des divergences, tout en continuant à travailler ensemble.