29 septembre 2010 -Le Sud-Ouest Par EMMANUEL PLANES
Le bémol de Borloo
Ndlr : On reprend la phrase de Victor Pachon ( Cade): Borloo est un marchand de sable qui passe, et qui dit: dormez , dormez, braves gens...........
Jean-Louis Borloo à Bordeaux, avec Alain Rousset, président du Conseil régional. PHOTO FABIEN COTTEREAU
Lors de son déplacement d'hier à Bordeaux, Jean-Louis Borloo a annoncé que le couloir dans lequel devait s'inscrire le tracé de la LGV reliant Bordeaux à l'Espagne et Toulouse était définitivement arrêté et que le financement des travaux par les collectivités était près d'être bouclé (lire en page 12).
À propos de la très contestée ligne LGV entre Bayonne et Hendaye, le ministre d'Etat s'est montré conforme à son étiquette de Radical dit valoisien et à son image de fin politique, nuancé et soucieux de ne mécontenter personne.
D'un côté, en effet, le ministre de l'Écologie a donné son aval aux fuseaux de 1 000 m déjà arrêtés, permettant ainsi à RFF de poursuivre ses études. Aucune modification n'a été enregistrée. C'est à l'intérieur de ces fuseaux que vont être menées des études plus fines qui aboutiront à la fixation d'un tracé. Et c'est ce tracé qui sera ensuite soumis à enquête publique d'ici à trois ou, plus vraisemblablement, quatre ans.
Dans le communiqué publié à l'issue de cette visite, il est bien précisé que l'analyse multicritère a mis en évidence l'intérêt des fuseaux de passage dits Ouest Villefranque et Ouest Ascain, notamment au regard des enjeux environnementaux, physiques, techniques et économiques.
Cependant, les contraintes d'insertion de la LGV dans le Pays basque confèrent à cette partie de la ligne la nécessité d'approfondissement des réflexions et des concertations locales. C'est pourquoi une mission de médiation a été réalisée, dont les conclusions ont été rendues en mai dernier et ont confirmé la possibilité de concevoir une nouvelle infrastructure préservant toutes les zones sensibles bâties et naturelles. Le ministre d'État veillera à la mise en œuvre des recommandations issues de cette mission pour la suite des études, sur la base des deux options de passage favorisées par le comité de pilotage. » Donc, a priori, pas de retour en arrière possible.
Mais, par ailleurs, Jean-Louis Borloo a prononcé cette phrase qui n'a pas manqué de susciter force commentaires : « Nous avons une ligne dont la performance est moyenne. On va l'utiliser jusqu'à saturation. Et s'il y a saturation, on construira une ligne nouvelle, au maximum enterrée. »
Ferme sur le fond, il met donc un sacré bémol sur la forme. Sa position n'est pas sans rappeler celle de sa collègue du gouvernement (et tout comme lui, premier ministrable) Michèle Alliot-Marie.
Michel Hiriart, maire de Biriatou et président de la Communauté de communes Sud Pays basque commente : « Jean-Louis Borloo commence à comprendre ce que nous disons depuis longtemps : la ligne actuelle est sous-utilisée, donc il y a un potentiel de trains supplémentaires. Est-ce qu'on a le droit, de geler des espaces, de terrains, des propriétés sans savoir si on aura réellement besoin de cette ligne nouvelle. Qui peut dire quel sera le transport dans trente ans ? Le ridicule serait une ligne nouvelle à côté de l'actuelle, et plus de trafic sur l'une ni sur l'autre... Dans cette affaire, on prend les choses à l'envers. » Alain Iriart. Le conseiller général et maire de Saint-Pierre-d'Irube est tout aussi sceptique. « Pour moi ces propos de Jean-Louis Borloo n'amènent rien de nouveau. On est dans le cadre d'une déclaration d'intention pour faire accepter cette ligne aux élus locaux, et qu'ils la financent. Pour notre part, nous demeurons sur la même position. Il faudrait réaliser de véritables études de façon à utiliser le potentiel énorme de la ligne actuelle entre Bayonne et la frontière espagnole. Et ces études, ni l'État ni la Région ne veulent les mener. Car elles feraient apparaître des prévisions de trafic qui restent dans les potentialités. La saturation dont parle Jean-Louis Borloo n'est pas là, et elle ne sera pas davantage là dans cinquante ans. Il faut donc s'engager dans des aménagements pour que la voie actuelle soit performante. Il est urgent… d'attendre. » Victor Pachon. Le porte-parole du Cade, fer de lance de l'opposition à la LGV, trouve la position de Jean-Louis Borloo, « très ambiguë. On attend la saturation et on va, parallèlement, continuer le processus aboutissant à la construction d'une voie nouvelle. Que croit-il qu'il y a écrit sur notre front ? C'est un marchand de sable qui passe, et qui dit : dormez, dormez, braves gens…
« Il y a un constat intéressant à faire, c'est la faillite du modèle économique TGV. Les quelques TGV qui faisaient des bénéfices ne sont plus rentables. Dans ce contexte, est-il raisonnable de dépenser 15 milliards d'euros pour de projets condamnés d'entrée ? Ne vaudrait-il pas mieux faire comme en Angleterre et se consacrer à l'amélioration de lignes existantes en concevant du matériel qui leur soit spécialement adapté ? »
Bernard Uthurry, maire d'Oloron, vice-président PS du Conseil régional : « Lorsque M. Borloo, interrogé par des journalistes, a fait cette déclaration sur la saturation de la ligne actuelle, je conversais avec mon voisin, et je n'ai pas bronché d'un sourcil. Il était dans son rôle d'un ministre venu parler de la LGV aux élus d'Aquitaine et de Midi-Pyrénées. Il a surtout évoqué la dimension globale du projet. Pour le reste, je n'ai pas de commentaire particulier à faire. »