6 mai 2021 - Par Pierre Recarte, vice-président du CADE
Le récent engagement de l’Etat dans le financement de la LGV Bordeaux-Toulouse est salué en Occitanie comme « le fruit d’un travail important des élus de la métropole, du conseil départemental, de la région ». Elus ? Pas seulement.
Le lobbying occitan
On connaît l’entregent de Vinci et d’Eiffage, pour accélérer les projets de LGV. Entre gens issus des mêmes écoles (X Ponts) on s’entend toujours…
En Occitanie les « patrons » ont confié cette tâche à Jean Louis Chauzy, président du CESER[1] (qui regroupe, entre autre, 54 membres d’entreprises) et d’Eurosud Team, « un outil de prospective au service des collectivités et des entreprises ». Cette association « entretient des relations privilégiées avec de nombreux porteurs de projets, maîtres d’ouvrages ou structures de lobbying ». Ses actions « mobilisent des collectivités, chambres de commerce régionales et territoriales, fédérations, clubs d’entreprises, entreprises ».
En mars 2016, elle organise un colloque intitulé «Innover pour financer les grandes infrastructures du sud-ouest européen». En juin, Chauzy est reçu au ministère des transports avec Bruno Cavagné, président de la fédération nationale des travaux publics, et Michel Colombié, représentant de la chambre de commerce de Midi-Pyrénées, pour mettre en place un comité de financement de la LGV.
Il se joint aux élus pour faire voter par les sénateurs et les députés un amendement autorisant la création de sociétés de projet pour accélérer la réalisation d’ infrastructures comme les LGV et inscrire le projet Bordeaux-Toulouse dans la loi LOM.
Eurosud organise en novembre 2019 une réunion de toutes les collectivités locales plus Tisséo et la Banque des territoires pour étudier la future société de projet.
Début 2020, Chauzy confirme la création d'une taxe sur les bureaux des sociétés pour financer le projet et annonce l’accord de principe des entreprises pour cette taxe. Tollé général : ni la CPME, ni le Medef, ni la CMA ni la CCI n’avaient été consultés !
En juillet, il déclare au Moniteur à propos de Pierre Hurmic, maire de Bordeaux : « Je ne vois pas comment on peut se réclamer de l’écologie et combattre la grande vitesse ferroviaire. C’est ce que nous rappellerons au nouveau maire de Bordeaux, car nous comptons bien embarquer tout le monde avec nous pour aller à Bercy défendre ce combat en faveur de la LGV. »
Aux municipales à Toulouse, le MEDEF rappelle aux candidats « son attachement à voir aboutir le projet de LGV » mais précise qu’il refuse de le financer !
La mobilisation landaise
En 2016, la nouvelle CCI soutenue par le Medef s’engage à « poursuivre le lobbying en faveur du financement de la LGV au sud de Bordeaux ».
En 2018, le Medef des Landes adresse à ses adhérents un article intitulé : La LGV réservée à Bordeaux et Toulouse au détriment de nos territoires. Il le regrette car ce projet « devait générer des retombées économiques et touristiques majeures à nos territoires, comme c’est constaté partout ».
Cet axe « devait placer le bassin de l’Adour au cœur de ce qui serait devenu une sorte de grande agglomération […] exceptionnelle offrant des zones urbaines et de gigantesques espaces verts, des industries de pointe et des vignes, de l’élevage, du maïs, l’océan et la montagne.
« On aurait pu aller d’Hendaye à Bordeaux, de Bayonne à Toulouse, et de tout point de ces territoires à un autre, en moins d’une heure […] Une heure, c’est le temps qui change tout. C’est parfaitement connu et vérifié. Cela aurait été une vraie révolution pour les entreprises et pour leurs collaborateurs. » Du délire…
C’est la partie immergée de l’iceberg connue grâce aux médias. Pour le CADE, face à ce rouleau compresseur, seule la mobilisation peut stopper ces Grands Projets inutiles et imposés.
[1] Conseil Economique, Social et Environnemental Régional