19 janvier 2021- NPA ( article du 29 déc 2020)
Bilan de la casse de la SNCF, 7 000 emplois en moins en trois ans
Selon le bilan social 2019 de la SNCF, 7 000 postes ont été supprimés au sein de la société ferroviaire entre 2017 et 2019. Le groupe justifie cette diminution par la nécessité de s’adapter pour être « plus attractif et engagé ». En réalité ces baisses d’emplois s’inscrivent dans la casse du système ferroviaire public, accélérée par la mise en place de la réforme de la SNCF en janvier 2019.
« La SNCF a réalisé le principal plan de suppression d’emplois en France », selon le syndicat SUD rail. Si le nombre de personnes partant à la retraite a diminué de 14,8 % par rapport à 2018, les démissions (+26%) et les ruptures conventionnelles (+66%) se sont accélérées. Cette augmentation des départs se double d’une diminution des embauches, avec une diminution de 6,5 % par rapport à 2018, qui touche particulièrement les jeunes de moins de 25 ans qui ont été 18 % moins nombreux à rejoindre le groupe en 2019. Contrairement à ce qu’annonce la communication du groupe ferroviaire se voulant « attractif et engagé », la SNCF ne séduit plus. Et cela peut se comprendre.
Un processus de libéralisation hasardeux
La réforme votée en 2018 par le biais d’ordonnances et mise en place à partir de janvier 2019 a de quoi inquiéter. Les grèves massives contre la réforme de la SNCF en 2018 puis en 2019 contre la réforme des retraites, en plus du droit de retrait et des grèves dans les technicentres, ou encore les grèves récentes des conducteurs de trains montrent la colère des cheminots.
Cette réforme de la SNCF s’inscrit dans un objectif de libéralisation des services de transports ferroviaires, poussé par l’UTP (Union des Transports Publics et Ferroviaires) qui représente l’ensemble du patronat des transports et qui doit définir les modalités du cadre de l’ouverture à la concurrence, et plus précisément comment abaisser le niveau de chaque convention collective à l’aide du dumping social, afin d’augmenter la rentabilité. L’ouverture à la concurrence s’est faite en plusieurs étapes, en 2003 c’est le service de transport de marchandises (FRET) qui a été ouvert à la concurrence. Cette première expérience a été assez désastreuse puisqu’en raison de son manque de compétitivité face à ses concurrents aidés par le fait que ces derniers avaient imposé des convention collectives au rabais, et donc des conditions de travail dégradées, la SNCF a cherché à réduire ses coûts, au détriment des salariés. En 2019, ce sont les trains régionaux qui ont été ouverts à la concurrence avec le système de franchise, c’est-à-dire les même trains, les mêmes infrastructures ainsi que les mêmes cheminots mais avec un logo différent sur leur tenue et avec des conditions de travail revues à la baisse et en décembre 2020 les lignes grandes vitesse. Encore une fois, c’est un échec, aucune autre compagnie n’ayant mis en circulation des trains grande ligne comme en atteste l’échec de l’ouverture à la concurrence Lyon-Nantes et Nantes-Bordeaux.
Au niveau européen, le bilan de la libéralisation du réseau ferroviaire est tout aussi globalement négatif. Au Royaume-Uni, la privatisation est sévèrement critiquée, « les trains sont lents, chers et les lignes de banlieues sont bondées. Selon un sondage 75 % des Britanniques souhaitent une renationalisation ». Tandis qu’en Italie, ce sont les accidents qui ont augmenté depuis la privatisation, et en Suède les prix ont baissé mais au détriment des infrastructures qui s’abîment…
Un nivellement par le bas des conditions de travail des salarié-e-s
La réforme de 2018 a donc transformé la SNCF, établissement public à caractère industriel (EPIC) en société anonyme (SA), restant publique, mais avec des plus fortes contraintes concernant l’endettement. Le gouvernement, dans un objectif de rentabilité et de libéralisation, en a profité pour casser le statut de cheminot. Face à un travail difficile (physiquement épuisant, des horaires décalés et de week-end), ce statut offrait la garantie d’un emploi à vie, d’une caisse de prévoyance spécifique et une retraite avec un calcul sur les 6 derniers mois. Mais le gouvernement a fait le choix d’un nivellement par le bas, qui consiste en une précarisation des emplois à la SNCF. Sud Rail résume bien la situation en rappelant que « la violence managériale, la fin des embauches au statut, la recherche de la productivité à tout prix qui engendre la dégradation des conditions de travail, les salaires figés depuis 7 ans malgré l’inflation... le tout dans l’incertitude du contexte d’ouverture des marchés du transport ferroviaire se traduisent inexorablement par un bilan social catastrophique ».
Finalement, ces réformes successives censées diminuer régler le problème de la dette de la SNCF et diminuer les coûts pour les usagers l’ont non seulement amplifiée mais ce sont également faites au prix de la précarisation des cheminots, pour des avantages plus qu’hypothétiques pour les usagers, et sans aucune garantie de l’amélioration de la situation financière de la SNCF. En effet, la fragmentation de la SNCF en multiples activités autonomes et le passage en sociétés anonymes obligent à segmenter la société en entités autonomes. Or, sud rail rappelle que « l’effet induit se retrouve dans les frais de structures et les coûts de transactions qui entraînent le recrutement de personnels d’encadrement qui constitue à lui seul plus de 37% des embauches alors que 3768 postes étaient supprimés sur le terrain sur la même période. Moins d’agents sur le terrain pour la production et le service, plus d’agents dans les bureaux pour gérer les multiples structures créées par les contre-réformes ferroviaire de 2014 et 2018, c’est le triste bilan des dernières années de gestion ».
La crise sanitaire a mis en exergue les conséquences désastreuses qu’entrainent la privatisation et les restructurations de la SNCF, tant pour les travailleur-se-s que pour les usagers. Alors que les transports restent un secteur essentiel pour l’économie, la gestion catastrophique de la crise par le gouvernement a amplifié la dette – la SNCF étant contrainte de faire un emprunt de 2 milliards supplémentaires sur 30 ans - tout en mettant en danger la santé des salarié-e-s et des usagers ; en témoignent les images de RER et métros bondés.
La réforme de la SNCF symbolise bien les effets d’une politique néolibérale qui ne fait qu’accélérer la précarisation du travail et dans laquelle les suppressions massives d’emplois s’enchainent dans le but de faire toujours plus de profits. Face à ces politiques, il est plus que nécessaire d’exiger un service public de transport en commun et gratuit à même d’assurer les enjeux sociaux et écologiques et sans que cela ne se fasse au détriment des travailleur-se-s. Dans un cadre identique nous pouvons retrouver les travailleurs de la RATP qui font face à la loi LOM, fortement inspirée de la réforme ferroviaire de 2018. Les travailleurs des transports doivent être tous sous les mêmes conditions de travail, nivelées par le haut pour éviter le dumping social.