Agen, le 18 mai 2018
Lettre ouverte remise au Préfet de Lot et Garonne pour le Président de la République
Monsieur le Président,
Le Conseil d’Etat vient de confirmer la DUP pour le projet GPSO (LGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax en rejetant les recours des opposants à ce projet.
Cette décision de justice va à l’encontre des deux jugements pris sur des dossiers similaires :
- de la LGV Poitiers-Limoges le 15 avril 2016 par le Conseil d’Etat
- du réaménagement Sud Bordeaux du GPSO le 29 juin 2017 par le tribunal administratif de Bordeaux
Dans ces deux dossiers, les bilans socio-économiques et les financements furent les arguments majeurs ayant conduit à l’annulation des déclarations d’utilité publique.
Pour le tronçon ligne nouvelle du GPSO, le Conseil d’Etat a reconnu les mêmes causes mais s’est déjugé en prenant au final une décision contraire, c'est-à-dire en rejetant les recours et en validant ainsi l’utilité publique de ce projet.
Cette décision est pour les citoyens et pour les associations incompréhensible.
C’est pour cette raison, Monsieur le Président, que nous nous adressons à vous.
Dans un contexte mouvementé sur l’avenir de la SNCF, nous gardons en mémoire quelques faits et déclarations qui ont marqué l’opinion publique :
- Enquête publique
La Commission d’Enquête Publique émet un avis défavorable sans ambiguïté, à la déclaration d’utilité publique relative au projet de ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax.
- Dette de la SNCF : 54,5 milliards d’euros au 31 décembre 2017
Selon la Direction de la SNCF, « la construction des lignes à grande vitesse (LGV), décidées par l'État, représente […] 50 % de la dette de SNCF Réseau (création, intérêts de la dette, déficit d’exploitation), soit environ 23 milliards d’euros sur un total de 46,6 milliards d'euros ».
Toutes les prévisions montrent que les 4 dernières LGV (Tours-Bordeaux, Metz-Strasbourg, Le Mans-Rennes, et le contournement de Nîmes et Montpellier) ont considérablement augmenté cette dette.
Monsieur le Président, comment peut-on admettre que l’Etat (c'est-à-dire les contribuables) reprenne d’ici 2020 la dette de la SNCF et en même temps continuer à construire des LGV qui creusent cette dette ? Qui pourrait le comprendre ?
- Financement du projet GPSO
Conscients de la situation tendue des finances de notre pays et des collectivités territoriales, des grand élus de Nouvelle Aquitaine et d’Occitanie préconisent de créer de nouvelles taxes.
Deux fédérations d'entreprises de transport, la FNTR et TLF, ont réagi en rappelant leur « refus strict de toute contribution supplémentaire quelle que soit la forme de la taxation ».
Par ailleurs, comment demander aux citoyens de financer cette infrastructure par de nouveaux impôts ou par des hausses d’impôts existants ?
- Rentabilité des LGV
Alors qu’il est unanimement reconnu que 2/3 des LGV ne sont pas rentables, certains persistent à vouloir construire une LGV de plus entre Bordeaux et Toulouse et Bordeaux Dax puis Hendaye. Or, celles-ci de par leur coût et une fréquentation moindre (report modal surestimé) seront encore moins rentables.
- Déclarations
- Vous avez déclaré, Monsieur le Président, le 1er juillet 2017 :
« Le combat que je souhaite engager pour les années à venir, c'est celui des transports du quotidien, c'est celui de l'ensemble des mobilités prioritaires à mes yeux », ajoutant que vous n'entendiez pas « relancer de grands projets nouveaux mais s'engager à financer le renouvellement des infrastructures ».
Nicolas Hulot, ministre de la Transition énergétique et solidaire, a déclaré le 30 août 2017 :
« L’État ne pourra pas tout faire. Il faudra définir ce qui est prioritaire. Faire de nouvelles lignes à grande vitesse, ce n’est franchement pas la priorité. Si on avait les moyens, volontiers mais on n’a pas les moyens. En tout cas moi, je découvre qu’on n’a pas les moyens. Le réseau ferré perd un milliard d’euros chaque année. On peut dissimuler ceci et on creuse la dette… Il me semble que la priorité, c’est d’améliorer le quotidien des transports des Français. Et la deuxième priorité, c’est de s’attaquer au transfert du transport routier vers le fret… »
Elisabeth Borne, ministre des Transports, a invité les régions à ne pas se focaliser sur leurs liaisons avec Paris, se disant prête en revanche à les aider à améliorer leurs transports locaux :
« J'entends beaucoup de territoires où on nous dit je veux une ligne à grande vitesse pour aller à Paris, mais je pense que la plupart de nos concitoyens, quand ils se lèvent le matin, leur préoccupation n'est pas d'aller à Paris. »
Guillaume Pépy, président de la SNCF, a quant à lui déclaré :
« Nous allons mettre le paquet, non pas sur de nouvelles LGV, mais sur les trains du quotidien ». « L’État, qui avait lancé beaucoup de lignes de TGV, a corrigé le tir. »
Monsieur le Président, au vu de la situation économique de notre pays, des collectivités territoriales et de la SNCF et considérant les déclarations des membres du gouvernement, nous ne comprendrions pas la poursuite de ce projet.
Monsieur le Président, nous vous demandons d’abandonner ce projet au profit de la modernisation des lignes actuelles Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Espagne afin de répondre aux attentes de la population.
Dans l’espoir d’être entendus,
Les membres des Associations de Citoyens et d’Elus du Lot et Garonne, vous prient de bien vouloir agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de leur très haute considération.
Pour les élus Alternativ’LGV Pour Coordination Association 47 Pour les Associations 33, 31,82
Raymond Girardi Charles D’Huyvetter Claude Semin
Copies : Monsieur E. Phillppe, Premier Ministre. Monsieur N. Hulot, Ministre de la Transition Ecologique et Solidaire. Madame E. Borne, Ministre des Transports