04/09/2010 La Dépêche par S. B.
Ndlr : Sans commentaire
Un train passe sur le viaduc de Rocherolles, le 3 mars 2004 à Folles près de Limoges AFP/Archives
Faute d'argent, il faudra sacrifier les lignes SNCF peu fréquentées. C'est ce qu'a confirmé, hier, le patron de Réseau Ferré de France. 3 000 à 4 000 km de lignes poseraient problème, y compris en Midi-Pyrénées où le Plan Rail a pourtant permis de sauver une bonne partie du réseau.
Pas de doute, selon le PDG de Réseau Ferré de France : faute de ressources suffisantes pour améliorer le réseau ferré français, il faudra sacrifier les petites lignes les moins fréquentées. La déclaration d'Hubert du Mesnil largement commentée hier n'est pourtant pas nouvelle. En mai, le patron de Réseau Ferré de France avait déjà tiré la sonnette d'alarme devant la commission des finances de l'Assemblée nationale. « L'avenir de certaines lignes reste menacé. Jamais on aura les moyens de les maintenir en bon état, étant donné leur faible niveau d'utilisation », avait-il lâché, au risque de réveiller les critiques d'élus de tous bords convaincus que cette situation n'était pas le seul fruit du hasard. Le désintérêt de l'État pour ces petites lignes, leur dégradation liée à un manque d'entretien, la désaffection progressive du public pour des tortillards surannés, signent la fin d'une époque. Comme le fret rail dont l'activité régionale a baissé de moitié en dix ans, déplore Dominique Espinasse de la CGT Cheminots, les lignes de campagne pourraient subir le même sort.
Mais il faut se garder des clichés carte postale, comme celle qui, voilà vingt ans, montrait la micheline du Cahors-Capdenac serpentant le long du Lot et des falaises de Bouziès. En Midi-Pyrénées, le plan rail de 800 millions d'euros du conseil régional a totalement modifié le paysage ferroviaire. Onze lignes verront à terme leurs voies renouvelées. Le nombre de navettes et de trains régionaux a été augmenté, en même temps qu'était renouvelé le matériel roulant.
La Région n'avait pas le choix : prendre à sa charge la réfection d'un réseau réputé inutilisable dans les cinq ans si de gros chantiers de réfection n'étaient pas engagés. Les habitants de Midi-Pyrénées sont à leur tour les contributeurs de ce plan qui sert toujours de référence nationale.
Relayant les propos d'Hubert du Mesnil, le délégué régional de RFF Christian Dubost reconnaît que certaines lignes SNCF n'ont pas résolu « l'équation économique » même si, au regard d'autres régions, Midi-Pyrénées apparaît effectivement « mieux lotie ».
RFF ne pouvant pas payer, l'État se trouvant en plein dans les restrictions, les collectivités sentent que tous les regards se tournent naturellement vers eux. N'est-ce pas elles qui organisent et « subventionnent » les TER, au demeurant bien au-delà de ce qu'autorisent leurs ressources ?
La Région Midi-Pyrénées vit d'autant plus mal ce désengagement reconnu de RFF que le Plan Rail a été à son apogée cette année. Sont ou seront rendues à la circulation des trains les lignes Castres-Mazamet sur 21 km, Tessonnières-Rodez sur 65 km, mais aussi Brive-Capdenac sur 51 km. Le tout pour un montant de 200M€ !
Le chiffre : 800
Millions d'euros > Plan Rail. La région Midi-Pyrénées reste relativement épargnée par les disparitions de petites lignes. Il est vrai que le conseil régional a investi à lui seul 500 millions d'euros dans un Plan Rail dont le coût atteint 800 millions avec les aides de RFF, de l'Europe et de l'État.
« Certes, il y aura des décisions à prendre vers la fin de l'année avec plusieurs scénarios possibles. Mais ce n'est pas qu'à RFF d'en décider.» Christian Dubost, directeur régional de Réseau Ferré de France (RFF) Midi-Pyrénées.
Des lignes en phase terminale vu leur état
La menace que brandit le PDG de RFF Hubert du Mesnil vaut pour le Grand Sud où, depuis des années, planent des incertitudes sur l'avenir de lignes ferroviaires. C'est le cas de :
La ligne Béziers-Neussargues. Un serpent de mer. En 1995, le patron de la SNCF Jean Bergougnoux annonçait la fermeture de 6 500 km de voies, dont la moitié dans le Massif Central. La ligne Béziers-Neussargues par Millau, et Séverac, baptisée « ligne des ramasseurs de champignons », était déjà sur le gril. C'était sans compter sur l'énergie de quelques-uns pour sauver cette voie défendue aussi en son temps par un certain Jean-Claude Gayssot.
Séverac-Rodez. A la demande du conseil régional, Réseau Ferré de France doit achever les études à la fois techniques et économiques concernant cette ligne en sursis depuis plus de quinze ans, mais qui n'est pas comprise dans le Plan Rail.
Castelsarrasin-Beaumont-de-Lomagne et Castelnaudary-Revel. Il s'agit de deux lignes vouées actuellement au fret, mais dont l'avenir est compromis.
Montréjeau-Luchon. Autre ligne en sursis où l'état des voies par endroits est tel que les trains roulent à très faible allure. Sur cette jonction, circulent un ou deux TER par jour, un train national et une douzaine de cars
Ligne Agen-Auch. Fermée déjà aux voyageurs, le sera-t-elle un jour au fret ? Sur cet axe, la voie est dégradée et les trains ne dépassent pas 40 km par heure. C'est ce que rappelait ces jours-ci Raymond Vall, le sénateur -maire de Fleurance. Beaucoup se battent pour que cette liaison soit rouverte au public avec l'arrivée du TGV à Agen. Selon Christian Dubost de RFF, les scénarios montrent que la ligne serait peu fréquentée et nécessiterait en outre un traitement coûteux avec la réalisation de passage à niveaux.
réaction
« Si c'était à refaire, on ne pourrait pas »
Selon RFF, le manque d'argent pour entretenir convenablement le réseau oblige à faire des choix et à fermer une partie des petites lignes ?
Dans la déclaration de Réseau Ferré de France, il n'y a rien de nouveau. RFF a classé les dessertes ferroviaires en neuf catégories par ordre décroissant de trafic, des TGV aux lignes régionales. Ces dernières, pour 90 % d'entre elles, sont classées dans les catégories 7 et 8. Il faut dire que sur ces dessertes, RFF n'a effectué aucun entretien, aucun investissement. On nous annonçait que le trafic devait s'interrompre de lui-même au bout de cinq à quinze ans. C'est pour éviter cette dégradation progressive du réseau avec l'inéluctable désaffection de la clientèle qu'on s'est attelé au Plan Rail. Cette opération unique en France nous coûte 500 millions sur un investissement global de 800, alors que même ce serait à l'Etat d'en assumer la charge.
Compte tenu de l'évolution de la fiscalité, pourriez-vous aujourd'hui vous lancer dans une telle opération ?
Si c'était maintenant, on ne pourrait le faire, compte tenu de la réforme de la fiscalité locale. Nous allons achever le Plan Rail qui court jusqu'en 2013, mais impossible de savoir ce que sera la suite. On n'aura plus d'impôt régional et il est très vraisembable que nos recettes ne bougeront pas. Il n'est pas question de lancer de nouveaux chantiers.
Les lignes de TER très fréquentées sont-elles suffisamment rentables pour financer d'autres travaux ?
Quand une ligne est bien fréquentée, le produit de la billetterie ne représente que 70 % des dépenses de fonctionnement. Le reste, nous devons l'assumer. Lors du transfert de compétence aux régions des transports régionaux, on ne nous a pas accordé de « Versement transport », ce que l'État affecte aux villes pour leurs transports collectifs. Non seulement nous ne bénéficions pas de cette compensation, mais, en plus, on n'a pas de recettes.
réactions
A Montréjeau et Luchon, c'est la bataille du rail
« Pour venir faire leur cure à Luchon, 60 % de mes clients prennent le train. Comment feront-ils si la ligne est supprimée ? », interroge Michèle, hôtelière dans la cité thermale du Comminges, qui se dit révoltée par la perspective de la suppression de la ligne Montréjeau-Luchon. La menace n'est pas nouvelle, mais elle pourrait se préciser.
« On en parlait déjà il y a trois ans, se souvient Éric Miquel, le maire de Montréjeau. À l'époque, nous avions même organisé un voyage en train pour protester. » La suppression de la ligne serait sur les rails depuis plusieurs années : « RFF n'a engagé aucune dépense d'entretien sur cette voie », dénonce l'élu.
Éric Miquel d'ajouter : « Les petites gares comme Loures-Barrousse ou Cierp-Gaud ont déjà disparu. Désormais, il faut 45 minutes pour relier Montréjeau à Luchon, et sur certains passages, le train doit rouler à seulement 5 km/h en raison de l'état des voies. » Le maire de Montréjeau conclut : « C'est encore une vallée qu'on va sacrifier. »
« RIEN N'EST ACTÉ »
A Luchon, le maire Louis Ferré manifeste également ses inquiétudes : « Rien n'est encore acté. Et nous ferons tout pour éviter la suppression de cette ligne. »
Luchon a beaucoup investi dans ses infrastructures touristiques : 4,5 millions d'euros pour un nouveau télésiège dans la station de ski, 3,6 millions d'euros pour les thermes.
« Nous avons déjà dû nous battre pour que les horaires du Ski-Rail soient réaménagés afin de permettre aux skieurs toulousains d'arriver sur les pistes de bonne heure. Nous avons aussi des problèmes de liaisons ; parfois, les voyageurs partant de Luchon arrivent à Toulouse dix minutes après le départ du TGV », soupire Louis Ferré.
Quelques associations se mobilisent pour le maintien de la ligne. Des manifestations ont eu lieu dans le passé. Comme à Gourdon dans le Lot, c'est une bataille du rail qui va s'engager dans le Comminges. Pour éviter que le désert ferroviaire ne progresse à toute vitesse.