3 juin 2010 - Sud-Ouest Par JEAN-LOUIS HUGON
Des habitants du bourg d'Uchacq-et-Parentis suspectent un conseiller ministériel d'avoir pesé sur le tracé du réseau de 1 000 mètres. Ils ont déposé plainte.
La propriété située sur la commune d'Uchacq-et-Parentis. PHOTO NICOLAS LE LIÈVRE
Décidément, les différents tracés du fuseau de la LGV (ligne à grande vitesse) n'en finissent pas de faire des vagues dans l'agglomération de Mont-de-Marsan. Le dernier projet de fuseau de 1 000 mètres, qui vient d'être accepté en comité de pilotage, a été retouché sur la petite commune d'Uchacq-et-Parentis, située à quelques kilomètres au nord de la préfecture des Landes.
Sur ce relevé, le fuseau retenu passe à 3 kilomètres au-dessus de l'ancien projet, ce qui bien évidemment dérange les personnes habitant dans cette zone, dont les logements n'étaient pas impactés par le tracé précédent.
Sous la présidence d'Antoine Farbos, un industriel montois très connu, 35 familles qui se situent sur le nouveau tracé, ou à proximité, ont constitué une association, « LGV les voix du fuseau nord », afin de faire valoir leurs droits. Ils ont déposé auprès du procureur de la république une plainte, avec constitution de partie civile, pour trafic d'influence, dès le 7 mai dernier. Car ils n'ont pas été surpris par l'arrivée de ce nouveau projet, il viendrait de très haut.
Contacts avec les ministres
Cette association suspecte en effet François-Gilles Egretier (1) (cité nommément dans la plainte), qui travaille à Paris comme conseiller auprès de Christine Lagarde, ministre de l'économie et des finances, d'avoir fait jouer ses relations pour que le tracé soit modifié.
Les preuves en leur possession consistent en la copie de nombreux courriers électroniques prévenant les élus locaux de contacts pris avec Réseau ferré de France (RFF), avec Dominique Bussereau, ministre des transports et même avec un conseiller du Premier ministre François Fillon. Une réunion aurait été arrangée à Paris, par les soins du conseiller technique communication (c'est son titre), entre les maires de quatre communes qui voyaient d'un très mauvais œil le premier tracé, et plaidaient pour qu'il soit modifié, et le directeur général délégué de RFF.
Mais, selon les adhérents de l'association, le conseiller du ministre aurait aussi agi pour des raisons personnelles. Le fuseau accepté en janvier dernier passait sur une propriété de sa famille, Lachinoye, située sur la commune d'Uchacq-et-Parentis, où sa mère demeure encore aujourd'hui.
Ce qui, relève la plainte rédigée par un avocat du barreau de Mont-de-Marsan, constitue « l'usage de son influence auprès des autorités administratives compétentes et décisionnaires, en sa qualité d'agent public »… « en vue de faire obtenir d'une autorité publique une décision favorable à ses intérêts personnels ».
De leur côté, les élus landais jurent de leur bonne foi dans ce dossier. Pour Jean-Claude Lalaguë, maire d'Uchacq-et-Parentis, « c'est la volonté de quatre maires recherchant des solutions acceptables par les habitants qui a permis de travailler sur un autre tracé. RFF a vu son intérêt et a accepté de l'étudier. » Jean-Paul Le Tyran, premier édile de Saint-Martin-d'Oney, autre bourg situé sur le tracé, voit « surtout les aspects positifs. Seules deux maisons seront touchées par le fuseau, au lieu de 75, et en plus les travaux coûteront moins cher, les exploitations agricoles seront moins touchées, sur le plan environnemental l'effet est le même. Je n'y vois que des avantages pour nos communes. »
Fait accompli
Parmi les 64 délégués de l'Agglomération du Marsan (qui compte 18 communes, dont Mont-de-Marsan), à qui RFF avait demandé un avis, seuls ceux de la commune de Geloux ont voté contre ce projet, « parce que l'on nous a mis devant le fait accompli, sans nous demander notre avis. RFF a des bons arguments, certes, mais pourquoi ne les ont-ils pas proposés dès le début ? » juge son maire, Jean-Paul Alyre.
Ce qui est exactement la position des auteurs de la plainte. « Nous demandons que soient reconnues les compétences de RFF, qui a d'abord agi au-dessus de tout intérêt partisan, pour proposer son premier tracé. Comment se fait-il qu'après des mois de travail, en quelques semaines et dans le plus grand secret, on nous sorte un nouveau tracé avec toutes les études d'impact ? » dénonce Antoine Farbos. C'est la question centrale à laquelle devra répondre la justice.
(1) Sollicité par l'agence montoise de « Sud Ouest », il n'a pu être joint par téléphone hier après-midi.