28 octobre 2014 - Sud Ouest ( du 24 octobre 2014)
Christophe Lucet journaliste éditorialiste à Sud Ouest - Petit Claude ( Bordeaux )
"Réclamé partout, le TGV a ralenti, et l'on a assisté à une floraison de projets à la rentabilité discutable…"
Pas question, bien sûr, de minimiser la performance technique ni les gains de temps spectaculaires qui ont rétréci l'Hexagone et facilité les échanges. La grande vitesse est un acquis qui a changé l'économie et la vie des gens. Mais elle est victime de son succès et rencontre plusieurs obstacles : budgétaires, d'aménagement du territoire et de gouvernance.
Réclamé partout, le TGV a ralenti pour desservir des villes moyennes et rapporte moins. Patron de la SNCF, l'État a négligé son rôle d'arbitre pour trier entre les lignes nouvelles. Il en résulte une inflation de projets à la rentabilité discutable et dont le financement, peu assuré, assèche le budget d'entretien du réseau existant. Or, l'argent manque et l'abandon de l'écotaxe ne va pas arranger les choses.
La construction de la LGV Tours-Bordeaux ne va bien sûr pas s'arrêter. Mais son financement - appuyé sur le privé et les collectivités locales - peut avoir deux conséquences : des tarifs élevés pour l'usager et des pressions renouvelées pour que les prolongements envisagés vers Toulouse et l'Espagne ne soient pas remis en cause.
Ce qui vaut en Aquitaine vaut ailleurs et les Sages de la rue Cambon ont raison de souligner les limites du système.Justifié là où il roule aux vitesses requises, le TGV devient contre-productif quand il concurrence le reste du réseau et son indispensable entretien. Le constat n'est pas neuf mais les signaux d'alarme s'accumulent : incidents ou accidents ferroviaires, mécontentement des usagers, prix des billets, dégradation du service sur l'intercité ou les petites dessertes, pénurie financière, etc.
Fière, à juste titre, de sa grande vitesse ferroviaire, la France est en train de s'apercevoir que le modèle a vieilli. Il ne faut pas juste revoir les aiguillages. Une remise à plat du système s'impose pour lui rendre toute son utilité et sa cohérence.