Se retrouver avec des lignes vides
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Samedi 13 Février 2010 Le Sud Ouest Pays Basque Auteur : Pierre Sabathié

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CERCLE DE BURRUNZ. L'association planche depuis trois ans sur une lecture critique de la LGV

Parmi les nombreux collectifs et associations qui fleurissent contre la LGV, le Cercle de Burrunz travaille depuis trois ans sur le sujet. Il réunit des entrepreneurs, des universitaires, des journalistes, des avocats, et s'appuie sur une analyse économique du dossier pour fonder ses arguments contre une voie ferroviaire entre Bayonne et la frontière.

« Nous trouvons qu'il manque une voix entre les positions utopiques et celles qui s'avèrent trop réalistes », expliquent Jean-Philippe Larramendy et Jacques Saint-Martin, têtes pensantes du Cercle. Ils travaillent d'ailleurs ensemble à la possibilité de contester sur le plan juridique le débat public mené en 2006.

Leur travail porte d'abord sur le fret. « En 2000, est sortie une prévision d'augmentation du fret de 1 à 8 en huit ans. Or, aujourd'hui, on se rend compte que le trafic de fret est stable, voire en baisse. Il aurait fallu une étude pour connaître quelles marchandises transitent par la frontière, faire parler les transporteurs, on a cherché, mais l'on n'a rien trouvé sur le sujet », constate Jean-Philippe Larramendy, économiste (cofondateur du groupe Tocqueville) et président de l'institut France-Euskadi.

Concurrence du low coast

De son côté, l'ancien président de la CCI de Bayonne rappelle que « dans le rapport du débat public en 2006, RFF indique bien qu'il fait un pari sur cette ligne ». Et d'ajouter : « Au sud de Bayonne, la LGV va essentiellement concerner le fret. Franchement, qui va prendre le train entre Paris et Madrid pour sept heures de voyage face à la concurrence des lignes aériennes low coast ? Le risque, c'est de se retrouver avec des lignes ferroviaires vides, après avoir déboursé 1,5 milliard d'euros », explique Jacques Saint-Martin. Il cite aussi une conclusion de la Cour des comptes 2008 où il est stipulé que « cette ligne est peu cohérente, fragile et coûteuse ».

Se sont-ils penchés sur l'avenir ?

Pour répondre à ceux qui les critiquent de ne pas avoir une politique de transports à long terme, ils présentent des chiffres : « Aujourd'hui, entre Bayonne et Hendaye, passent 60 000 voitures par jour pour 600 personnes dans les trains. Entre Bayonne et Saint-Jean-Pied-de-Port, 18 000 véhicules sont enregistrés au quotidien à Ustaritz, 110 passagers fréquentent le train. Pour moi, c'est une énigme de voir revenir le train quand je me rappelle avec quelle joie on l'a vu partir à la suppression du tramway. Le transport de masse demeure la voiture », ajoute Jacques Saint-Martin.

Autoroute ferroviaire

Le Cercle de Burrunz estime à partir de ce constat, que la ligne actuelle aménagée notamment sur le plan phonique, suffira à absorber la croissance de trafic des voyageurs., et planche aujourd'hui sur les vertus de l'autoroute ferroviaire, au regard notamment des avancées de l'autoroute maritime.

Ils profitent de la nomination d'un médiateur, Marie-Line Meaux pour conforter leurs études. Ils espèrent ainsi avoir la possibilité de les faire connaître à la médiatrice. « La décision de la LGV n'est pas prise, souligne Jean-Philippe Larramendy. Cela vaut la peine de se battre, nous allons essayer de rencontrer la médiatrice pour faire valoir nos arguments. »

 

• Commentaires

Rose

le 13/02/2010 à 23h18

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Ah, au fait, j'ai oublié : Véolia sera aussi aux manettes des TGV :

http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5hT31wcnnqzUQ2znxZhw6YuVDr-IA

Bizarre, non ?

Rose

le 13/02/2010 à 22h38

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@Tederic

J'ai lu quelque part "Ce n'est pas normal qu'on soit obligé à l'heure actuelle de prendre l'avion ou la voiture, et les anti-LGV ne le disent pas assez."

Mais en fait les gens qui se battent aujourd'hui contre les nouvelles lignes LGV ne faut pas autre chose ! parce que ce que ces gens réclament, c'est de laisser tomber le mythe de la vitesse et l'élitisme de la LGV, pour faire place à des services de proximité qui permettront à tout le pays de se servir plus du train et moins de leur voiture !

Or que nous propose-t'on ? de rejoindre des gares TGV toujours plus loin de chez soi pour des voyages occasionnels, 3 ou 4 horaires de départ pour les plus chanceux, mais en aucun cas de désengorger les trajets quotidiens en réhabilitant les lignes et les horaires locaux fréquents !

Donc M. Saint-Martin a raison de constater que "le transport de masse c'est la voiture" puisque de toutes façons on ne propose rien d'autre, ni pour aujourd'hui, ni pour demain, à tous ceux qui ne sont pas agglomérés autour des gares LGV (ici Bayonne Anglet Biarritz avec Véolia aux manettes des bus à partir d'avril, là-bas la gare excentrée d'Agen, et encore ailleurs on est en train de faire des ronds de jambes pour payer une gare à Orthez au lieu de Pau en échange d'une autoroute Pau Oloron).

Que croyez-vous, que tout le monde prendra son vélo pour rejoindre ces gares ?

Que se passera-t’il au moindre fait de neige, grève, tempête… ? les transports en commun s’arrêtent quitte à laisser tous les gamins à la porte de leur école ! que reste-t’il alors, à part la voiture ? Il faut cesser de rêver, tout le monde ne va pas se débarrasser de sa voiture quand on aura une LGV qui file à 300 km/h dans son jardin ! Ni aujourd’hui ni dans 10 ans !!! Et d’ici-là vous verrez que nos lobbies automobiles auront miraculeusement trouvé la solution « propre » qu’on leur réclame depuis 20 ans…

Tederic

Tonneins

le 13/02/2010 à 18h24

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L'éloge qui est fait ici de la voiture comme "transport de masse", pour s'opposer à la LGV, ne peut pas satisfaire ceux qui, comme moi, souhaitent un report modal de la voiture et de l'avion vers le train, par impératif écologique et économique (épuisement des énergies fossiles).

 

Il se confirme qu'une partie des opposants à la LGV sont des opposants au train "tout court" !

Je remarque aussi que la LGV est jugée non concurrentielle sur Paris-Madrid (en 7 heures) , ce qui est peut-être vrai.

Mais sur Bilbao-Bordeaux, Bilbao-Paris, Bilbao-Toulouse, Bordeaux-Madrid, Bayonne, Madrid, etc., la LGV pourrait être concurrentielle.

Jusqu'à quand va-t-on faire Pau-Madrid en avion en passant par le "hub" de Lyon ?

A quand une vraie vision régionale interfrontalière ?

 

Du coup, le point de vue de Hubert du Maisnil, de RFF, devient séduisant (lire son interview dans "Sud-Ouest"), qui s'appuie sur la nécessité d'un report modal vers le train, argumentant que les chiffres dérisoires du train entre France et Espagne sont une anomalie, qui signale en creux un potentiel.

 

Oui, si on croit au train (et cette croyance doit certes être argumentée pour devenir une option politique sérieuse), on est amené à penser que le transport ferroviaire de frêt et de personnes en régional comme en international France-Espagne se développera au point qu'une ligne nouvelle sera un jour nécessaire.

 

Mais ma position est qu'on ne peut pas convaincre de cette nécessité future tant qu'on ne s'est pas engagé sérieusement dans la promotion du ferroviaire avec les lignes classiques.

 

Donc, rien ne presse pour la LGV ! Peut-être sera-t-il temps dans 10 ans de remettre le projet à l'étude.

 

Jean-robert

 

le 13/02/2010 à 16h28

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Bravo au Cercle de Burrunz pour leur travail de fond sur ce projet de LGV où les chiffres de RFF masquent bien la réalité des problématiques de transport en Aquitaine. Ceci est d'autant plus méritant de la part d'un ancien président de CCI, Monsieur Jacques Saint-Martin, car ses collègues en poste aujourd'hui dans les CCI de la région n'ont pas son analyse et son recul, enfourchant simplement le lobby moderniste "has been" du président de région. On peut d'ailleurs relire avec intérêt son ouvrage paru chez Atlantica en 2007 "Un déraillement - LGV Bayonne -Frontière