28 mars 2025 - Infolibertaire
Expulsion de l’occupation de l’écluse des trois ponts. Antoine Berlioz/Hans Lucas
Dans le Sud-Ouest, les grands projets inutiles d’aménagement du territoire se multiplient. La LGV Bordeaux-Toulouse-Dax, présentée comme une façon de réduire le trafic routier et aérien, est en réalité un projet qui ne cherche à relier que deux grandes villes entre elles. Des lignes existent déjà qu’il suffirait de développer et renforcer. Face aux enjeux écologiques et sociaux, des mouvements d’opposition se renforcent pour tenter de mettre fin au GPSO, un projet ferroviaire destructeur.
Du 11 au 13 octobre a eu lieu le week-end de mobilisation nationale « Freinage d’urgence », à Lerm-et-Musset, dans le sud Gironde, contre le projet ferroviaire de Ligne à grande vitesse (LGV) Bordeaux-Toulouse-Dax. À l’origine de l’événement, les Soulèvements de la Terre et LGV Non Merci, une coordination de collectifs constituant un réseau d’opposants et opposantes sur le territoire néo-aquitain.
Le Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO) est le plus gros chantier d’infrastructure de la décennie : 327 kilomètres de nouvelles lignes à travers cinq départements, plus de 400 ouvrages d’art (viaducs et tunnels) en projet, pour un coût estimé à au moins 15 milliards d’euros d’argent public.
Entre Bordeaux et Toulouse, la LGV doublerait une ligne ferroviaire déjà existante pour ne faire gagner que quelques minutes aux personnes l’empruntant. Malgré les quatre recours juridiques en cours [1]et alors que l’utilité publique a été décrétée avec des résultats d’enquête publique à 94% défavorables, les travaux ont démarré il y a un an, en janvier 2024, avec des aménagements ferroviaires au sud de Bordeaux (AFSB) et au nord de Toulouse (AFNT).
En vert et contre les trains ?
Le GPSO, c’est 5 000 hectares de terres menacées, dont 1 250 hectares de terres agricoles et 2 850 hectares de forêts. La cistude, une espèce protégée de tortue devenue symbole de cette lutte, pourrait ainsi voir son habitat disparaître. Ce sont autant de nappes phréatiques qui seraient irrémédiablement dégradées par l’artificialisation des sols, ainsi que huit zones Natura 2000, dont la Vallée du Ciron, mise en lumière lors de la mobilisation Freinage d’urgence. La biodiversité d’une richesse inestimable serait détruite par les infrastructures liées au passage de la LGV.
Mobilisation Freinage d’urgence contre le projet de LVG. Antoine Berlioz/Hans Lucas
Les destructions de ressources naturelles ne se cantonnent pas au tracé. Afin de fournir les millions de tonnes de béton nécessaires à la construction des 400 viaducs et tunnels, des gravières seront installées dans les communes avoisinantes, dans un périmètre allant jusqu’à 50 kilomètres. L’extraction de la grave détruira les terres agricoles exploitées. Cet approvisionnement en béton sera assuré par Lafarge, une entreprise dont l’éthique peut se résumer à fournir le chantier de l’A69 et à financer Daesh en Syrie [2].
Toutes ces dégradations environnementales, pour un train qui, au final, ne sera pas une alternative à la voiture. Dans le cas de la LGV Bordeaux-Toulouse, elle ne permettra pas de réduire le trafic automobile car le TGV ne fera pas suffisamment d’arrêts. Sur les 110 communes traversées par la LGV, seules cinq gares devraient être desservies. Souvent employé par les défenseurs de la ligne, l’argument du désenclavement de zones rurales et péri-urbaines est une rhétorique démagogique. La seule chose que gagneront les populations des communes que la LGV traverserait, ce sont des nuisances sonores et vibratoires, ainsi que la chute de la valeur des biens situés à proximité de la ligne.
On le sait aussi, même pour réduire le trafic aérien, la mise en place de lignes ferroviaires ne suffit pas. En se penchant sur le bilan de la LGV Paris-Bordeaux, inaugurée en 2017, on constate que cinq ans plus tard, l’aéroport Bordeaux-Mérignac s’agrandit. Pour réduire le trafic aérien, pourquoi ne pas plutôt essayer de taxer le kérosène ?
Tels qu’ils sont conçus, les trains des LVG ne sont pas adaptés au quotidien. Ils ne sont destinés qu’à accélérer les flux pour une minorité de personnes, les plus favorisées, se déplaçant d’une métropole à une autre, et pour l’unique bénéfice des capitalistes. Les 15 milliards prévus pour la construction de cette LGV pourraient financer l’entretien et la modernisation de lignes ferroviaires existantes, l’innovation, l’emploi et la formation des cheminots et cheminotes, le renforts des réseaux TER et intercités, ainsi que le développement du fret.
Des enjeux communs avec l’A69
Dans les deux cas, les avis des enquêtes publiques et des autorités environnementales sont piétinés. Les déclaration d’utilités publiques, pourtant contestées et sujettes à des recours juridiques, permettent d’imposer de force les projets aux populations. Ainsi, le droit est accordé aux porteurs du projet d’exproprier les personnes vivant le long du tracé et de contourner les réglementations de protection de la nature (comme la loi Zéro artificialisation nette ou les zones Natura 2000).
Les oppositions à ces deux projets subissent une répression féroce et brutale de la part de l’État, plus prompt à protéger les intérêts de grandes entreprises et à prioriser les profits d’organismes privés qu’à consulter l’avis des associations environnementales ou des populations concernées par les projets d’aménagement du territoire. Les enquêtes, débats et concertations publiques ne sont là que pour donner aux grands projets inutiles une saveur de démocratie. Ces dernières années, de grands projets localement controversés ont été imposés, ou ont tenté de l’être, par une répression violente des mouvements de contestation . A69, méga-bassines de Sainte-Soline, aéroport de Notre-Dame-des-Landes, LGV Lyon-Turin : la liste est longue.
L’opposition à la LGV s’organise et la lutte prend peu à peu de l’ampleur. Des collectifs locaux contre ce projet fleurissent le long du tracé de la LGV et se réunissent dans la coalition LGV Non Merci. Depuis octobre 2023, La Guinguette Vaillante est occupée, une zone à défendre située sur l’écluse de l’Hers, à Saint-Jory, près de Toulouse. Les camarades sur place protègent les arbres supposés être abattus pour le projet de construction. Les forces de l’ordre, les gendarmes et l’unité de la cellule nationale d’aide à la mobilité (Cnamo) interviennent pour détruire les lieux d’habitation et tenter d’expulser les personnes qui y vivent.
Si développer les transports publics pour diminuer le trafic automobile et réduire l’usage de l’avion doit faire partie des réflexions face au dérèglement climatique, les aménagements ne doivent se faire qu’après avoir pris en compte les avis des populations locales et des organisations environnementales. Les priorités doivent être mises dans la réhabilitation de gare détachées du réseau ferroviaire, pour rapprocher des communes aujourd’hui isolées des services publics. Repenser nos déplacements, oui ! Mais pas au profit du capitalisme qui ne cherche qu’à maximiser ses profits.
Luce et Marcel (UCL Toulouse)